Synopsis
Vingt-cinq ans après House (1980) et quatorze ans après Une maison à Jérusalem (1998), Gitai réinvestit de nouveau cette demeure, métaphore d'une patrie que chacun, avec sa part de légitimité et au travers des vicissitudes de l'Histoire, tient pour sienne. Toute la noblesse et la subtilité de ce travail sont d'ailleurs de ne contester à personne la propriété d'un bout de ce lieu et d'un morceau de cette histoire, en faisant les portraits, attachants et chaleureux, pudiques et élégants, des personnages qui s'y rattachent depuis ces vint-cinq dernières années. C'est en archéologue que Gitai, homme de gauche s'il en est, inspecte, strate par strate, blessure par blessure, ce dense tissu humain, dont l'assemblage raconte l'incroyable épopée de cette région du monde. Pour commencer, nous attachons nos pas au tailleur de pierre palestinien du documentaire de 1980. L'homme a aujourd'hui 70 ans et vit dans son village de Waladja. Or, c'est parce que ce village est traversé depuis peu par le mur israélien, le coupant ainsi de ses terres arables, que Gitai a souhaité y retourner, et reprendre avec le vieil homme une discussion intime, et le fil interrompu de sa biographie. Puis, nous retrouvons le docteur Dajani et sa fille, l'ancien propriétaire palestinien, né dans la maison, et dont la famille connaît à son tour les rigueurs de la diaspora. Nous rencontrons avec un plaisir jubilatoire sa cousine, vieille dame fortunée, vénérable et truculente, dont le visage garde encore trace d'une grande beauté, et le discours celle d'une forte personnalité. Nous découvrons Claire Cesari, actuelle propriétaire, Juive d'origine turque. Elle semble faire le lien entre tous. Un lien ténu, certes, mais généreux, puisqu'elle affirme que, si le docteur Dajani et sa famille sonnaient à sa porte, elle les accueillerait volontiers dans cette maison qui fut la leur. Elle précise aussi qu'elle occupe cette belle demeure, cachée sous les frondaisons, sans culpabilité. Car elle n'est pas comptable d'une histoire qui l'a menée des rivages du Bosphore aux remparts de Jérusalem. C'est donc les yeux dans les yeux, à hauteur d'homme, c'est-à-dire à distance de l'Histoire, dans ce qu'elle a d'intimidant ou de fossilisé, que nous suivons ces destinées, toutes singulières, et dont l'âpreté, loin de les aigrir, semble avoir donné à chacun comme un surcroît d'âme.
© LES FICHES DU CINEMA 2006