Synopsis
Lorsqu’il s’est installé à New York au début des années 1970, John Lennon ignorait bien sûr qu’il y mourrait à la fin de cette décennie, mais aussi qu’il ne quitterait plus les États-Unis, à la suite d’un imbroglio juridique dont le prétexte était sa consommation de substances toxiques. Il voulait vivre là, estimant que New York était le centre du monde, comme Rome dans l’Antiquité. Impossible de quitter le territoire américain, car dans ce cas il n’aurait pu y revenir, et le FBI (sur instruction de Nixon lui-même, nous révèle le film) faisait tout pour qu’il n’obtienne pas la fameuse carte verte prolongeant son séjour. Pourquoi était-il considéré comme indésirable, voire dangereux ? C’est ce que ce film de montage analyse en alternant, avec une certaine virtuosité, les documents d’archives et les témoignages spécialement recueillis pour le film. Toute cette période est, bien entendu, dominée par le cauchemar vietnamien de l’Amérique. Le film nous replonge dans ce contexte, ce qui est l’occasion d’un parallèle implicite avec l’actualité. L’ampleur et la combativité du mouvement contestataire, avec ses immenses manifs comme la "Marche de Washington", sont évidemment inimaginables aujourd’hui, à l’heure où la guerre d’Irak, même désapprouvée par l’opinion, est loin de soulever une telle agitation. Mais, en ce temps-là, prenant le relais de la "Flower Revolution" des hippies, l’opposition à la guerre trouve d’emblée une figure de proue charismatique, en la personne de ce trublion de génie qu’est John Lennon, musicien pacifiste qui maîtrise parfaitement sa médiatisation (voir la campagne d’affichage de Noël "La guerre est finie... Si vous le voulez", et le lancement de l’hymne «Give Peace a Chance»). La réussite de ce documentaire tient avant tout à la richesse des témoignages. En effet, défilent sur l’écran des personnalités incontournables, comme Angela Davis, l’ex-leader des Black Panthers Bobby Seale, le gouverneur de New York Mario Cuomo et le candidat à la présidence George McGovern. Mais aussi Ron Kovic, le pacifiste auteur de «Né un 4 juillet», et le poète emblématique John Sinclair. Enfin, et surtout, des hommes de l’autre camp, de l’entourage de Nixon, comme John Dean et Gordon "Watergate" Liddy, des agents du FBI comme Jack Ryan, chargé à l’époque de surveiller Lennon et qui en parle sereinement (on pense aux sbires du Made in USA de Godard : "C’est mon boulot, il fait ma joie"). La seule réserve que l’on puisse formuler concernerait la forme de ce documentaire. Car les effets de montage, très soignés, sont parfois alourdis, comme si les auteurs-réalisateurs avaient craint de faire pauvre. D’où des images détourées et animées, avançant vers l’objectif au rythme de la musique de Lennon. Ce côté clinquant et inutile aurait pu être évité...
© LES FICHES DU CINEMA 2008