Synopsis
Si, en Europe de l’Ouest, la fascination qu’exercent sur leur public les danseuses de ballets classiques tend à s’estomper, en Russie en revanche, leur prestige est demeuré intact depuis le XIXe siècle. C’est aux ballerines du Théâtre Mariinski de Saint-Pétersbourg (le fameux Kirov de l’ère soviétique) que le documentariste Bertrand Normand, ébloui par leur expressivité remarquable, a choisi de consacrer trois années de son travail. Il a pour ce faire sélectionné, pour leur talent, leur charisme personnel et leur sens dramatique, cinq danseuses. Chacune illustre, à des stades différents de son évolution artistique, le parcours d’une ballerine russe promise à une carrière nationale et internationale. En partie grâce à la présence du chorégraphe français Pierre Lacotte, qui montait
Ondine au Mariinski, le réalisateur a eu accès à toutes les salles d’exercices et de répétitions, aux coulisses, aux loges, et nous propose un regard intime sur ces jeunes femmes engagées totalement dans leur art, malgré le tribut physique et psychologique à payer pour le pratiquer à un tel niveau. Nous suivons ainsi Alina, entre sa dernière année à la célèbre académie de danse Vaganova et sa première année au Mariinski, Svetlana l’Ukrainienne qui rejoindra le Bolchoï à la fin du tournage, Evgenia, future étoile, connue des spectateurs français pour son rôle dans
Les Poupées russes de C. Klapisch (ce qui nous vaut un petit "cross over" entre son film et ce documentaire ), Diana, étoile accomplie, toute en tension, souvent sollicitée à l’étranger, notamment à l’opéra Garnier, et Ulyana, sans doute la plus touchante, étoile brisée deux ans durant par un accident à la cheville, et qui met, avec succès, toute son énergie à remonter sur scène. Toutes, chacune à leur manière, disent la rigueur et les sacrifices, la tentation de l’abandon mais aussi l’incroyable bonheur du spectacle et la ferveur du public qui les portent chaque fois un peu plus loin. L’école de ballets russes a la réputation justifiée de ne pas dorloter ses danseuses douées. En leur confiant rapidement des solos en tout début de carrière, l’institution les pousse à acquérir une maturité très précoce et un sens de leur responsabilité artistique peu commun. Malgré une photographie trop terne, sans doute imputable à un manque de moyens, le choix d’un dispositif classique alternant entretiens avec les différents protagonistes (danseuses, directeurs, répétiteurs), séances de travail, extraits de ballets du répertoire et de tournées, le tout soutenu par un excellent montage, s’avère judicieux. Il parvient à faire émerger l’essence même de cet art où le seul instrument est le corps, durement forgé au service de la grâce. Ce documentaire rend un bel hommage au courage, à l’ambition d’excellence et aux exigentes personnalités de celles qui y consacrent leur vie. Au-delà de son sujet, qui peut sembler désuet, le réalisateur réussit à faire partager son admiration pour ces êtres d’exception et sa passion pour le ballet classique.
© LES FICHES DU CINEMA 2008