Synopsis
En 2006, Jean-Luc Godard présentait à Beaubourg, dans des conditions qui ont donné lieu à polémiques, une exposition consécutive au refus, par la direction du Collège de France, d’une série de cours sur le cinéma proposée par le cinéaste. La riposte de Jean-Luc Godard à cette fin de non-recevoir vécue comme un camouflet a initialement pris la forme d’un ensemble de neuf films qui devait malicieusement s’intituler Collage(s) de France. De fil en aiguille, ce projet s’est donc mué en une exposition, source d’un nouveau sentiment d’humiliation. Ainsi Godard a-t-il proposé à Alain Fleischer, cinéaste et directeur du Fresnoy-Studio national des arts contemporains, de réaliser un film documentaire, manifestement voué à éclairer les intentions contrariées du cinéaste. Né, par voie de conséquence, d’une cascade de frustrations éprouvées par l’ermite de Rolle, Morceaux de conversations avec Jean-Luc Godard d’Alain Fleischer est un objet cinématographique hétérogène - fruit de partenariats institutionnels - qui trop souvent s’apparente à un film d’entreprise, assez conventionnel au demeurant, et dont la distribution - le devenir DVD du film semble inscrit dans ses gènes - est assurée par les Éditions Montparnasse. Il en résulte un film vaguement structuré en trois parties : la préparation de l’exposition, perçue à travers un certain nombre d’échanges à domicile entre Godard et Dominique Païni, alors directeur du développement culturel au Centre Pompidou, ou Jean Narboni, critique et historien du cinéma ; la rencontre entre Godard, André S. Labarthe, Jean-Marie Straub, Danièle Huillet et les élèves du Fresnoy, lesquels montrent leurs oeuvres et sollicitent les commentaires ; enfin, une visite guidée et commentée par le cinéaste, à travers les différents espaces de l’exposition. Ainsi la singularité de l’artiste, sa solitude, sont-elles évaluées et mises en perspective à travers trois états de Godard interlocuteur : hôte, invité puis exposé. Il apparaît dès lors, et quel que soit le dispositif, que le discours godardien se heurte tour à tour à la dispute, à l’incompréhension, à la désinvolture. Reste la parole de Godard, fruit d’une pensée qui procède par collages et cut-up, télescopages et allitérations, rapprochements et précipités qui stimulent la réflexion, excitent l’oreille. Il n’en demeure pas moins que ce qui est donné ici à entendre l’a déjà été, en d’autres temps, avec d’autres interlocuteurs, dans d’autres films. Le documentaire de Fleischer n’en devient pas inutile pour autant. Dans les premières séquences, Godard explique que photographier ou filmer répond à la nécessité de montrer ce qui n’a jamais été vu et prend l’exemple d’un visage, fut-ce celui d’un proche, dont il s’agit de montrer un état inédit de l’expression. Ce que, dans ces Morceaux de conversation..., Fleischer parvient à produire à deux ou trois reprises comme autant de petits miracles : un sourire triste ici, là, une soudaine émotion vite retenue à l’évocation de mathématiciens dont la destinée fut tragique et solitaire.
© LES FICHES DU CINEMA 2009
Réalisateur