Synopsis
Le film s’ouvre sur des images d’archives : des corps épuisés, secourus sur une plage. Des corps meurtris de voyageurs clandestins. À Cachan, en 2006, Christian Zerbib est allé à la rencontre de familles de sans-papiers, réfugiés dans un gymnase. Il filme Seydou, à son 35e jour de grève de la faim. Puis Fouad, électricien, qui vit et travaille en France depuis quatorze ans et dit se sentir français. Tout comme Imane, styliste et mannequin, qui a vécu huit ans dans la clandestinité. Tous trois sont en règle à présent. Les deux premiers grâce à l’action menée à Cachan. Le réalisateur s’attache à croiser les regards. Il y a les bénévoles, des citoyens de la ville ou d’ailleurs, parmi lesquels des personnalités. Charles Berling, Josiane Balasko et Emmanuelle Béart disent sans détour leur indignation et racontent leur engagement. Les élus locaux donnent chacun leur solution pour régler les problèmes. Il faudrait investir sur les terres mères pour qu’elles nourrissent les enfants, avant qu’ils ne prennent la décision irrémédiable : prendre la mer. Les jeunes Sénégalais, à St Louis, racontent leur périple. Ils ont des visages d’anges, des sourires de gosses qui s’effacent au fil du récit. L’un d’eux a peut-être 18 ans. Il a pris trois fois la pirogue en direction des Canaries. Il recommencera. Un autre nous dit, les yeux dans les yeux, la déception de sa femme qui l’a vu revenir vivant. Ils habitent à cinq dans une chambre et il avait vendu sa pirogue pour payer son voyage... Un an après sa grève de la faim, Seydou a retrouvé son vieux père au Mali. Lui qui ne pensait jamais revoir son fils, est assis à ses côtés, au village, en train de trier les arachides. Ils arrachent les racines encore chargées de terre en un geste symbolique, qui a traversé le temps. Une voix de femme chante des louanges qui transpercent l’âme. Seydou est béni, c’est pourquoi il a pu revenir avec ses amis français. Lui, assure qu’il ne voudrait pas que ses frères et soeurs connaissent les épreuves qu’il a traversées, il les prévient. Mais c’est en vain. Et les jeunes de St Louis, de dire : "La jeunesse sénégalaise est en perte d’espoir." Le film se déroule ainsi, entre la France et l’Afrique de l’Ouest : c’est un document brut, qui, dans l’urgence de dire, ne s’encombre pas trop de la forme, ce qui peut alors parfois donner l’impression au spectateur que la caméra est un peu trop intrusive. Ali a le mot de la fin, lui qui est toujours dans l’illégalité après six ans de travail dans une entreprise française. Il témoigne à contrejour, rappelle dignement que le petit café que nous dégustons deux fois par jour provient du travail de ses concitoyens d’Afrique (et d’Amérique latine)... Si leur travail était payé à sa juste valeur, leurs enfants n’auraient plus besoin d’émigrer. Pendant ce temps-là, des centres de détention provisoire ne cessent de dresser leurs murs à la lisière de nos villes.
© LES FICHES DU CINEMA 2009