Synopsis
Documentaire engagé tombant à pic, en cette période de crise et de méfiance généralisée envers les comportements à hauts risques des grandes banques, L’Encerclement est un cours d’histoire sur la manière dont le libéralisme économique a su devenir une pensée unique, se remettant ainsi de ce qui avait pourtant semblé être une cuisante défaite après la crise de 1929, pour devenir un credo absolu, sans véritable alternative. Le réalisateur et producteur québécois Richard Brouillette signe ici son deuxième long métrage, qu’il sous-titre assez clairement La Démocratie dans les rets du néolibéralisme. On ne saurait mieux annoncer son postulat. Conçu avant la récente crise des subprimes qui allait mettre l’économie mondiale au bord du gouffre, ce décorticage analytique des mécanismes et de la terminologie d’une financiarisation planétaire chaque jour plus prégnante mais toujours abstraite, reste d’une brûlante actualité. D’une austérité tout à fait cohérente avec son thème, le film aligne les témoignages d’universitaires émérites et de penseurs de droite ou de gauche (tels que, dans le désordre : Noam Chomsky, Susan George, Omar Aktouf, Bernard Maris, François Brune, Jean-Luc Migué, Michel Chossudovsky...), filmés dans un sobre Noir & Blanc, en plans fixes, sans l’intervention d’aucun narrateur (ils ne sont interrompus que par des points d’histoire sur le développement de la pensée libérale). Dans la ligne de mire du film : les "think tanks", ces fameux groupes de réflexion universitaires, grâce auxquels la droite libérale a pu se reconstruire, trouver une cohérence, un langage et une doctrine, et prendre le pouvoir un peu partout. La démonstration est claire, brillante et très complète (le film dure tout de même plus de 2h30). Le seul défaut qui pourrait être reproché à ce documentaire précis, sérieux et complexe, serait sans doute son point de vue très unilatéral. En effet, les figures de droite sont soit dénoncées, soit, quand elles interviennent, franchement antipathiques ou bornées et caricaturales. Certes Richard Brouillette ne ménage pas, par ses choix de témoins et par son montage, les tenants d’un libéralisme débridé, qui, parfois, frise dangereusement l’absurdité, il n’en reste pas moins que son propos est à la fois instructif et, pour tout dire, assez passionnant pour la plupart d’entre nous qui ne mesurons pas toujours les enjeux et le danger d’un monde transformé en casino géant. Après tout le cinéaste lui-même prévient d’emblée son spectateur par son sous-titre sans équivoque. Si, donc, L’Encerclement, au-delà de sa patine rude, garante d’une sorte d’objectivité brute, se révèle aussi partisan qu’un bon vieux Michael Moore, il n’en a jamais les aspects déplaisants et manipulateurs. Reconnaissons cependant que la grande oeuvre documentaire capable d’envisager dans toute leur globalité les multiples questions de ce vaste débat reste sans doute à venir.
© LES FICHES DU CINEMA 2010
Réalisateur