Synopsis
Gilles Porte, par ailleurs directeur de la photographie, était déjà passé à la mise en scène en 2004 avec Quand la mer monte (coréalisé avec Yolande Moreau), couronné de deux César (Meilleur Premier Film et Meilleure Actrice). Ici, Dessine-toi est en quelque sorte le point d’orgue d’un travail engagé voilà six ans, lorsque le réalisateur avait découvert les "bonshommes" dessinés par sa fille Syrine et ses camarades de classe, alors en petite section de maternelle - ne sachant donc ni lire, ni écrire -, pour identifier leur porte-manteau. Ces "autoportraits" avaient donné envie au cinéaste de distribuer aux enfants de l’école des papiers noirs et des crayons blancs en leur demandant de se dessiner à nouveau, pour voir évoluer leurs "bonshommes". L’expérience a ainsi donné lieu à une série de portraits photographiques, qui ont été exposés en regard des dessins. Au fil de ses voyages à l’étranger, Porte a poursuivi l’expérience. Puis, il a observé Syrine dessiner sur une porte vitrée et découvert l’expression de son visage, comme jamais il ne l’avait pu, penchée sur sa feuille. Alors, s’appuyant sur le dispositif trouvé par Henri-Georges Clouzot pour filmer Picasso à l’oeuvre, il filme des enfants dans 33 pays, et réalise 80 courts métrages pour célébrer les vingt ans de la Convention Internationale des Droits de l’Enfant, qui portent en germe l’essence de Dessine-toi... Le principe est identique pour tous les enfants, quel que soit le lieu de tournage : une vitre de plexiglas est disposée dans une salle, avec d’un côté un fond uni devant lequel évolueront les enfants, et de l’autre les deux caméras et les opérateurs, masqués par un rideau noir. Un interlocuteur proche des enfants leur aura expliqué la démarche du cinéaste, en accord avec leurs parents. Les enfants savent qu’ils sont filmés, mais ne perçoivent pas pour autant le regard sur eux, dissimulé. Chacun dispose d’un marqueur et de tout le temps qui lui est nécessaire pour se dessiner. Une fois le feutre fermé, le dessin achevé s’anime et suit son chemin, prolongeant notre émerveillement et nous entraînant dans un road movie poétique. Il y a peu de dialogues dans le film (et ils ne sont alors pas traduits), mais la musique originale invente comme des monologues intérieurs. À maints égards, le film est poignant, car il nous fraie un passage vers des territoires invisibles (la Palestine, la Birmanie...), ou bien oubliés : ceux de l’enfance (Picasso disait "J’ai mis toute ma vie à savoir dessiner comme un enfant."). C’est un film-arche, qui rassemble les enfants du monde dans toute leur diversité, entre légèreté, sagesse, passion et gravité. À travers le prisme de l’enfance, de l’expression artistique, Porte questionne l’humain, fait apparaître les difficultés qu’il peut y avoir à se représenter, à se donner à voir, à laisser une trace. Pas forcément par rapport au regard de l’autre, mais avant tout vis-à-vis de soi-même.
© LES FICHES DU CINEMA 2011