Synopsis
25 octobre 2003, aéroport de Novossibirsk, Sibérie. Mikhaïl Khodorkovski, "oligarque" le plus puissant de Russie, est arrêté par les forces spéciales russes. Le gouvernement l’accuse, par le biais de son entreprise pétrolière, Ioukos, d’escroquerie à grande échelle et d’évasion fiscale. Lors de son procès, en 2005, Khodorkovski est condamné à neuf ans de réclusion (la peine sera ramenée à huit ans en appel). En 2010, alors que Khodorkovski tente d’obtenir la liberté conditionnelle pour bonne conduite, un second procès le condamne à six ans supplémentaires pour vol de pétrole et blanchiment d’argent (une peine également réduite d’un an en appel). Ainsi, l’ancien multimilliardaire, qui, au faîte de sa gloire, fut l’homme de moins de 40 ans le plus riche du monde, croupit encore aujourd’hui dans la très secrète prison d’IaG, au coeur de la Sibérie. Son arrestation, très médiatisée à l’époque en Occident, apparut pour les observateurs étrangers comme le symbole du tour d’écrou que l’administration Poutine voulait donner contre les oligarques qui avaient fait fortune durant les années 1990, grâce aux privatisations sauvages. L’histoire pourrait s’arrêter là si la personnalité de Khodorkovski n’était pas si complexe et contradictoire. Le réalisateur allemand Cyril Tuschi a donc entrepris de mener sa propre enquête. En retraçant méthodiquement le parcours de l’inaccessible oligarque, en rencontrant ses proches ou collaborateurs (souvent exilés), Tuschi met en lumière une personnalité insaisissable. Malgré ses milliards, l’homme a toujours vécu simplement. Sa métamorphose sociale et publique n’est pas que le fruit d’une réflexion purement intéressée : selon Alexeï Kondarov (général du KGB à la retraite et ancien conseiller en sécurité de Khodorkovski), un homme politique ne peut pas être à la fois populaire et riche en Russie, il se doit alors de faire amende honorable, de souffrir pour gagner la confiance des électeurs. Si Khodorkovski suit cette ligne, il fait preuve d’un mental que certains de ses collaborateurs (par exemple Dimitri Gololobov, qui était l’avocat de Ioukos) ne lui connaissaient pas... Tuschi, dans la posture du journaliste d’investigation "seul contre tous", fait vivre son enquête de l’intérieur : le refus des "officiels" qui ont peur pour leurs intérêts, les découvertes inattendues (une vieille affaire de meurtre pendant les années 1990), et sa propre paranoïa (est-il sur écoute lors de ses séjours à Moscou ?)... Il finit par obtenir (lors du second procès) un très court entretien avec l’intéressé. Khodorkovski est conforme au tableau que ses anciens proches ont dressé de lui. Serein et courtois, il défend avec conviction son innocence. Cette rencontre inopinée vient à point nommé pour accréditer la thèse de Tuschi : Poutine et ses sbires se sont enfermés dans une impasse. Car, à mesure que le temps passe, la sympathie publique pour un Khodorkovski incarcéré augmente, et le maintenir en détention plus longtemps en ferait un martyr. Mais le libérer en ferait une menace immédiate...
© LES FICHES DU CINEMA 2011