Synopsis
Bien au-delà du cercle déjà notable des amateurs de reggae, chacun a en tête son petit Bob Marley illustré : la beauté de ses traits, ses dreadlocks dansants - beaucoup de gens ont appris avec lui ce qu’ils signifiaient - l’engagement politique et religieux dont ses chansons étaient grosses, son amour du football et du cannabis, le cancer enfin qui devait l’emporter prématurément, à 36 ans. Prosaïquement intitulé Marley, le film que lui consacre Kevin Macdonald (Le Dernier roi d’Écosse) jette-t-il un éclairage inédit sur cette figure, entrée, comme d’autres avant elle, dans la légende ? La réponse est non. À l’exception - c’est un comble ! - de la dimension musicale du personnage, qui semble ne pas intéresser beaucoup le cinéaste, ces 144 minutes décomptées en un portrait relativement distant détaillent pourtant sous tous les angles la brève trajectoire de l’icône planétaire qu’est devenu l’auteur d’Exodus. À commencer par ses origines familiales, lesquelles stipulent que Robert Nesta Marley, né en 1945, était le fils de Cedella Booker, une jeune noire jamaïcaine, et de Norval Marley, fonctionnaire colonial britannique dont la famille n’acceptera jamais la liaison, la progéniture pas davantage. À ce propos, le film ne rate pas l’occasion de démontrer avec brio - et sans aucun recours aux mathématiques - que ses origines métissées, le rejet consécutif dont il sera victime, tiendront un rôle de premier plan dans la vie comme dans l’engagement politique du musicien. De sa formation musicale en revanche, de la création des Wailers, de la première partie de sa carrière, qui suit l’évolution musicale de l’île, du ska au reggae en passant par le rocksteady, jusqu’à la rencontre déterminante avec Chris Blackwell (avant laquelle Marley a, ce n’est pas rien, enregistré ou contribué à plus de 300 titres), du saut dans la célébrité planétaire qui allait en résulter, le film, sans le négliger pour autant, paraît le traiter comme donnée parmi d’autres. Au profit, par exemple, de ses multiples conquêtes féminines qui, étrangement, semblent coexister sans psychodrame ni amertume. Celle-ci s’exprime davantage dans le témoignage des enfants, de Cedella Marley en particulier, la première de ses filles reconnues, dont la colère intériorisée devient, au fil de ses apparitions, assez touchante. Ou bien dans les paroles de Bunny Wailer, dernier survivant des Wailers, dont on n’est pas loin de deviner la déception d’avoir été passé à la trappe. Si à l’image de quantité de documentaires anglo-saxons, il n’est pas interdit d’en vouloir à Marley d’être sur-découpé, sur-monté, de procéder par bribes, de se montrer incapable de laisser durer le moindre plan et de balayer une vie à la vitesse d’une offensive militaire, le film devient tout à fait passionnant quand vient le moment d’évoquer le mélanome qui, à la suite d’un long calvaire, finira par emporter le musicien. Marley se mue dès lors en un formidable documentaire sur l’état de l’oncologie à la toute fin des années 1970, sur un corps absolument martyrisé par ce qui, médicalement parlant, se faisait de mieux à l’époque, avec pour objectif des perspectives de guérison à peu près nulles.
© LES FICHES DU CINEMA 2012