Synopsis
Le Feu sacré, c’est, selon les mots de son propre père, l’envie ardente de filmer, de mettre le monde en images, qui, depuis toujours, habite Arthur Joffé. Après deux courts (dont un récompensé par une Palme d’or en 1982) et cinq longs métrages, le désir est toujours là, intact. Mais depuis Ne quittez pas en 2004, Joffé a accumulé les projets sans parvenir à les faire financer. La faute, d'après lui, à la réalité du marché, qui l’a trop longtemps empêché de matérialiser ses histoires. Par une coïncidence assez ironique, le titre de son dernier dernier film avant cette suspension dans sa filmographie peut donc s’entendre rétrospectivement comme une ultime demande faite au spectateur de croire à son retour. Le Feu sacré, onze plus tard, vient enfin concrétiser ce retour à l’écran. Déterminé à dépasser les contraintes de financement et de production, Joffé s’est emparé d’une caméra amateur pour filmer, pendant trois ans, son quotidien et ses proches à la manière d’un journal de bord, montant le film, seul, sur son ordinateur. Libéré de toute entrave, le regard de Joffé a pu errer au fil des rencontres, des images, des situations qui faisaient irruption dans sa vie. Le Feu sacré n’a ainsi pas de réelle structure et s’impose davantage comme un cheminement, une réflexion sur sa condition de cinéaste, mais plus encore sur son héritage personnel et filmique, et sur ce qui l’anime encore aujourd’hui. Les chapitres se succèdent avec subtilité, comme autant de questions soulevées auxquelles viennent répondre les témoignages d’amis acteurs, ou comme autant de pistes suivies lors de voyages qui le ramènent au sein de sa famille. Et, toujours, son errance le conduit inexorablement à revenir vers la source : son domicile, son intérieur, les proches qui le peuplent. En filmant ceux qui le côtoient, Joffé nous plonge avec pudeur et délicatesse dans son intimité, évitant un regard frontal et trop brut. Le Feu sacré est ainsi un hommage à ceux qui l'influencent, le supportent et alimentent son envie de filmer. Mais c’est aussi un engagement renouvelé vis-à-vis de ce cinéma de création qui ne cesse de l’enthousiasmer. Loin d’être la simple réflexion égotique d’un réalisateur, ce sixième long métrage marque un tournant dans son oeuvre, en ouvrant la voie à un questionnement plus large sur l’acte même de filmer. Tout au long de ce cheminement particulier - le terme vagabondage étant très justement employé - Joffé interroge les nouveaux outils technologiques qui permettent d’acquérir une certaine autonomie dans la production et génèrent de nouvelles formes de création. Le résultat est un objet hybride, entre le documentaire et le film d’art, où Joffé tente de s’extraire d’un cadre défini pour offrir un nouveau regard au cinéma. Sa démarche n’est pas sans rappeler celle d’Alain Cavalier (tout particulièrement dans Le Filmeur), par son souci de filmer dans l’échange, de revenir à la source de son art, au plus près de l’expérience, du réel, en s’attardant simplement sur des moments de vie.
© LES FICHES DU CINEMA 2015