La Supplication - Tchernobyl, chronique du monde après l'apocalypse (2015) Pol Cruchten

La Supplication - Tchernobyl, chronique du monde après l'apocalypse

Pays de productionLuxembourg ; Autriche
Sortie en France23 novembre 2016
Procédé image35 mm - Couleur
Durée86 mn

Générique technique

RéalisateurPol Cruchten
ScénaristePol Cruchten
Auteur de l'oeuvre originaleSvetlana Alexievitchd'après l'ouvrage "La Supplication"
Société de production Red Lion Films (Luxembourg)
Coproduction KGP - Kranzelbinder Gabriele Production (Wien)
CoproductionGabriele Kranzelbinder
ProducteurJeanne Geiben
Directeur de la photographieJerzy Palacz
Ingénieur du sonOleg Goloveshkin
MixeurMike Butcher
Compositeur de la musique originaleAndré Mergenthaler
Compositeur de la musique originale Luma Luma Sacred Earth Sounds
DécorateurIvan Levchenko
MonteurDominique Gallieni

générique artistique

Dinara Drukarova(une fille)
Iryna Voloshyna(une fille)
Vitalyi Matvienko(une fille)
Camille Saltet de Sablet d'Estières(une voix)
Éric Caravaca(une voix)
Laurence Côte(une voix)
Salomé Stévenin(une voix)
Robinson Stévenin(une voix)

Bibliographie

Synopsis

Adaptant un essai de l’écrivaine biélorusse Svetlana Aleksievitch (prix Nobel de littérature en 2015), Pol Cruchten trouve une forme personnelle, courageusement - mais aussi outrageusement - esthétique, pour illustrer l’horreur de Tchernobyl. Recueillant les précieux témoignages tirés du livre - les "supplications" des victimes -, le réalisateur semble moins soucieux de "faire vrai" dans la correspondance entre voix, personnes et images que d’essayer de retranscrire cinématographiquement une certaine rêverie littéraire : ici, fond et forme se complètent mutuellement pour tenter de dire l’indicible et de représenter l’irreprésentable. Faisant fi des règles propres au genre (interviews entrecoupées d’images d’archives ou de reconstitutions), Cruchten choisit de mettre en scène, dans les décors de la zone dévastée que sa caméra réussit à sublimer, les voix des témoins comme autant de visions - comme si le film déambulait dans leur propre mémoire, qui n’est autre que le refoulé de notre mémoire collective. À la fois intimes et universelles, ces voix longtemps réprimées rappellent que chaque expérience est le symptôme d’un traumatisme commun. Un témoignage avance ainsi l’idée que Tchernobyl peut être perçu comme une guerre. Mais de quel type de guerre, s’agit-il ici ? Celle d’une machine - rien d’autre, à l’origine, qu’une innovation industrielle destinée à être utilisée à bon escient - qui se retourne contre l’homme... Bien que qualifié de catastrophe nucléaire, l’accident de Tchernobyl bouleverse tous les codes modernes qui lient et opposent nature, culture et technique en rebattant à jamais les cartes de notre époque. Ni naturel, ni humain, ni vraiment prévisible, ni non plus impossible (puisqu’il a fini par avoir lieu), il se situe dans un entre-deux abominable, qui ne cesse d’interroger le rôle de l’homme lui-même. Un physicien rappelle par exemple la manière dont les autorités, portées à ne prendre aucune mesure pour reconnaître la gravité de l’accident, se sont dédouanées de toute responsabilité. La catastrophe évoque alors la manifestation ponctuelle d’un mal qui pousse l’homme dans ses retranchements, l’expression d’une menace qui se réveille de temps à autre et dont parlait Albert Camus dans La Peste, lorsqu’il écrivait que "même ceux qui ne l’ont pas la portent dans leur coeur". On peut y voir, même, un mal intégré dans les corps des victimes, autant que dans ceux des futures générations, un virus se propageant par engendrement, et que les femmes observent chez leurs nouveau-nés avec effroi. Au prix de partis pris visuels forts et intelligents mais qui peuvent aussi apparaître déplacés ou tout au moins discutables au regard de l’atrocité du sujet, La Supplication ajoute comme une pierre aux monuments et statues dressés en l’honneur des victimes et des hommes qui ont tenté de neutraliser le réacteur. Couronnement de l’inhumanité dont fut marqué le XXe siècle, Tchernobyl retrouve ici, à travers cette balade onirique et mélancolique, une certaine humanité.
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