Synopsis
Pour paraphraser une immortelle réplique d’À Bout de Souffle du cher JLG : Si vous n’aimez pas la danse, si vous n’aimez pas l’Espagne, si vous n’aimez pas les castagnettes... Allez vous faire foutre ! En effet, tout cela est au coeur de ce nouvel opus du fameux réalisateur espagnol Carlos Saura (Cria Cuervos en 1976, Carmen en 1983, Tango en 1997...). Plus spécifiquement, Beyond Flamenco est consacré à une ancienne expression artistique populaire - danse, musique et chant combinés - appelée Jota, comme la prononciation du j espagnol. Officiellement formalisée au XVIIIe siècle, originaire du nord du pays, elle s’est répandue depuis longtemps dans toutes les provinces ibères qui l’ont adoptée et adaptée à leurs spécificités tout en en gardant la structure rythmique fondamentale. Comme nombre de danses populaires, la Jota ponctue la vie sociale villageoise et accompagne fêtes profanes et religieuses. Nourrie peut-être, bien avant sa codification, d’influences arabo-musulmanes, elle est aussi l’une des sources du flamenco, dans les portés de bras et les battements de pieds talon-pointe, mais ses accointances avec le fandango la rendent toutefois plus légère, plus sautillante et moins « tripaillante ». Alternant mouvement lents, voire solennels, et rapides sur un rythme ternaire, soutenus par des guitares et des tambourins, parfois des fifres ou des voix, et les castagnettes des danseurs, la Jota se pratique en couple et en groupe. C’est à cette tradition musicale et chorégraphique, encore extrêmement vivace, que Carlos Saura rend ici hommage, clôturant ainsi un travail entamé en 1992 avec Sevillanas et poursuivi notamment avec Flamenco (1995) et Flamenco, flamenco (2010). Il nous en présente à la fois la richesse des origines et la variété des déclinaisons. Comme il l’a déjà fait précédemment, le cinéaste ne va pas sur le terrain pour récolter in situ les diverses racines et modalités de son sujet. Il ne le commente pas non plus mais en invite les artistes les plus talentueux, auxquels il offre son regard et un plateau nu, bordé de miroirs ou d’écrans translucides, supports successifs de graphismes évocateurs et de quelques films d’archives. Un simple cartel indique la région d’origine des danses et chants qui s’enchaînent. De ce dispositif, a priori austère, naissent pourtant des séquences parfois étourdissantes de grâce et d’énergie qui, au-delà de l’hispanité dont elles sont l’expression, évoquent en filigrane des apports celtes ou orientaux. Si tout n’est pas également enthousiasmant, notamment une tarentelle façon Loïe Fuller, de nombreuses prestations impressionnent par le niveau d’excellence et de précision. Celles du virtuose danseur de Jota Miguel Angel Berna et celles de Sara Baras, remarquable danseuse de flamenco, sont exceptionnelles, tout comme le jeu du guitariste Juan Manuel Cañizares et le virevoltant numéro musical animé par l’extraordinaire Carlos Nuñez qui met en oeuvre une multitude d’instruments : percussions en tous genres, flûtes, guitares, cornemuse galicienne, etc. Donc, si vous n’aimez pas la danse, si vous n’aimez pas l’Espagne...
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