Synopsis
Un gardien ouvre un portail. Une masse de 1250 jeunes surgit. Des zombies envahissant un centre commercial ? Non : les candidats au concours d’entrée à la Fémis ! Dans ce documentaire captivant, Claire Simon, ancienne directrice du département réalisation de l’école, nous fait vivre de l’intérieur ce concours (qu’elle a elle-même passé plusieurs fois), divisé en trois parties : pré-admissibilité en février, admissibilité en avril et admission via une épreuve orale devant sept professionnels en juin. Mais attention ! Dans la deuxième séquence, un postulant traverse un set de tournage où l’on voit l’envers du décor. Nous voilà prévenus : si tout est réel, tout est pensé et mis en scène. Dès lors, gros plans, plans moyens, larges ou très larges, fixes ou en mouvement, se succèdent, traquant les réactions des candidats et des jurés. Seuls les changements de vêtements des examinateurs, ou les rares plans sur l‘extérieur, donnent une notion du temps qui passe. Au fil du documentaire, la masse des élèves entrés dans l’amphithéâtre du début va se scinder en groupes - selon les options choisies -, puis enfin en individus, seuls avec leur angoisse... Tel est le talent de la réalisatrice : ausculter le processus de la sélection via l’expérience propre à chaque candidat. « Dans cette école, pas de cours ni de profs », prévient d’emblée le directeur. Uniquement des gens de la profession (scénaristes, réalisateurs, distributeurs, producteurs, techniciens), différents chaque année, avec l’envie de transmettre une passion, un savoir-faire et « l’image » d’une école de réputation mondiale, où la méritocratie républicaine est en action. « Il faut sélectionner selon notre désir et non selon les choix de l’ordinateur » (lequel fera la synthèse finale des notes), confirme un examinateur. Hélas, cette bonne volonté va, au fil des images, et plus particulièrement dans l’ultime séquence consacrée à l’épreuve d’admission orale - avec, entre autres jurés, la réalisatrice Laetitia Masson, la chef décoratrice Solange Zeitoun, le producteur Emmanuel Chaumet, le réalisateur-scénariste Olivier Ducastel, la monteuse Christel Dewynter... -, trouver sa limite dans un florilège de répliques savoureuses : « On se dit : celui-là il entre parce que je l’aime ». « Ce n’est pas parce que tu es fou que ça t’empêche d’être un bon metteur en scène ! ». S’ensuit une hilarante discussion sur la réputation d’asocial de Nicolas Winding Refn, le réalisateur de Drive... « Il en faudrait quinze qui sortent du lot : sept garçons et huit filles. Une asiate, une noire, un rebeu... Et qu’en plus ils viennent de toute la France. Et pour faire plaisir à Patricia et Sylvie, des pauvres (rires). » On remarquera qu’aucun n’a pensé aux handicapés. Et, en effet, leur volonté sincère d’intégrer la diversité aboutira à une photo des soixante heureux élus d’une étonnante monochromie. Malgré les meilleures intentions, la méritocratie républicaine ne reproduirait-elle que ses élites ? Bourdieu doit jubiler. En contrepoint de cette questionnante réalité, retenons cette conclusion d’un candidat : « Une génération d’hommes invisibles a enfanté une génération qui vit ses rêves ».
© LES FICHES DU CINEMA 2017
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