Synopsis
D’un côté, Agnès Varda : la cinéaste, seule femme à faire partie de la Nouvelle Vague originelle, est devenue une figure indéboulonnable du cinéma français. De l’autre, JR : ce « street artist » spécialisé dans les collages photographiques s’est fait un nom en « décorant » de façon éphémère des paysages urbains avec ses créations, et s’est aventuré dans le documentaire avec Women Are Heroes (présenté à la Semaine de la critique en 2010). Entre les deux, une rencontre initiée en 2015 par Rosalie Varda, fille de la réalisatrice, qui a senti que le courant pouvait passer entre ces deux personnalités que plus de cinquante ans séparent. Varda, désormais 88 printemps, et JR, 34 ans, étaient faits pour s’entendre : ils partagent une complicité de tous les instants, une curiosité pour les autres, une envie d’aller vers l’inconnu. Le « road trip » qu’ils entament ensemble sur les routes de France, en prenant soin de s’éloigner des grandes villes (territoire que maîtrise JR, et dont Varda veut en quelque sorte le libérer), prend alors des allures de joyeuse introspection. À mesure qu’ils avancent, Varda rappelle à JR qu’elle doit regarder en arrière. Certaines rencontres ravivent des souvenirs d’enfance, un lieu peut lui évoquer un proche disparu... JR se montre toujours à l’écoute, attentif lorsque Varda se confie à lui (et au spectateur) sur sa vision déclinante : elle, dont le métier consiste à capter les images, voit flou, et doit subir des traitements réguliers. Dès lors, le hasard qui prédominait dans le choix des destinations du tandem (ils se rendaient dans certains villages simplement parce qu’ils y connaissaient quelqu’un) cède la place à des déplacements plus précis, qui résonnent plus profondément pour Varda et JR. Ce dernier présente ainsi à sa comparse sa grand-mère centenaire, puis les dockers qui avaient collaboré à l’une de ses installations, dans le port du Havre. Sur cette côte normande, Varda se souvient, elle, de son ami Guy Bourdin, et veut lui rendre hommage. Visages villages bascule alors, par intermittences, du road movie à la captation, sans fioritures, de l’élaboration d’une oeuvre d’art éphémère (ce qui, aux yeux des deux créateurs, n’en nourrit que plus la beauté). Par ailleurs, le film est ponctué d’improvisations fantaisistes, typiques du style Varda. Tout au long de leur périple, Agnès veut faire faire enlever ses lunettes noires à JR. Elle dit que son look lui rappelle le « philosophe solitaire » Jean-Luc Godard, auquel elle avait réussi à retirer ses lunettes, en 1961, le temps d’un petit film inclus dans Cléo de 5 à 7. Le duo s’amuse à pasticher une séquence de Bande à part dans le musée du Louvre. Puis Varda emmène son compère à Rolle, pour rencontrer Godard. Mais celui-ci se dérobe, laissant juste devant sa porte close un message, qui évoque Jacques Demy de façon codée, et fait souffrir Agnès. Émue - et émouvante -, elle confie son trouble, sa tristesse et sa colère à JR, qui, pour la consoler, accepte enfin de retirer ses lunettes. Puis, les deux malicieux complices, que l’on accompagne depuis le début du film comme deux de nos amis, nous quittent, tournés vers l’avenir...
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