Synopsis
Situé Calle 41, quartier Marianao, La Havane, le Buena Vista Social Club fut à la musique cubaine des années 1930-50 ce que le Cotton Club représenta pour le jazz américain dans le Harlem des années 1920-30. La révolution castriste mit fin au premier. L’abolition de la Prohibition entraîna l’exil à Broadway puis, 6 ans durant, l’agonie de l’autre. En 1996, à l’initiative de Ry Cooder et du producteur Nick Gold, les anciens du Buena Vista éditèrent un disque dont le succès donna lieu à trois concerts : deux au Carré d’Amsterdam les 11 et 12 avril 1998 et un au Carnegie Hall de New York le 1er juillet, période que filma Win Wenders dans Buena Vista Social Club. Ce premier chapitre relevait donc d’une forme de miracle, certains des musiciens réapparus étant réputés décédés ou n’attendant que ça (Ibrahim Ferrer). Sans oublier Ruben Gonzales qui ne jouait plus, son piano ayant été dévoré par les termites. Ce nouvel opus (puisqu’on parle de musique) consacre les parcours de ces artistes, de leur naissance (au début du XXe siècle) à leur tournée d’adieu à La Havane en 2016. On retrouve donc Omara Portuondo, Manuel « Guarijo » Mirabal, Pio Leyva, Manuel Lica, Ibrahim Ferrer Planas, Ruben Gonzales y Pontanilis, Compay Segundo, Puntillita, Omara Portuondo... et quelques nouveaux. Il y a deux façons de regarder ce documentaire. On peut y voir un récit nostalgique sur ces artistes et sur la musique cubaine, ou lire, à travers les nombreuses images d’archives et les interviews, ce qu’il dit des individus, de leur lien avec leur pays et le monde. Et là, après un générique resituant la lente évolution de cette musique depuis la colonisation de l’île par l’Espagne en 1492 jusqu’à notre époque - via son indépendance et l’esclavage -, c’est une page émouvante qui se tourne sur la puissance résiliente des rythmes caraïbéens face à l’infinie bêtise de la politique, notamment. D’un côté, des artistes de 60 à 90 ans, souvent nés pauvres ou ayant grandi dans des conditions misérables, oubliés après la "Révolution"... de l’autre, un « lider maximo » fermant les boîtes de nuit d’un trait de plume (lutte contre le racisme ou la mafia, ou refus des influence musicales « capitalistes » ?) ou encore Ibrahim Ferrer ne pouvant aller récupérer ses trois Grammy Awards car interdit de visa à 90 ans. L’ironie étant atteinte avec la réception du BVSC à la Maison Blanche par Obama, faisant de ce groupe, interdit d’États-Unis quarante ans durant, un symbole du lien humain et culturel maintenu entre les deux pays ! Parmi les formidables destinées que l’on suit, se détache la bouleversante amitié entre Omara Portuondo et Ibrahim Ferrer, conclue par le renversant hommage chanté que rend la première au second au festival de Marciac, un an après sa mort. Bien sûr, le finale frise la nécrologie. Mais la dernière image s’achève symboliquement sur le baisser de rideau de leur tournée d’adieu en 2016. Si on s’ouvre à cette dimension-là, on est emporté par l’énergie, l’amour, le sens de la vie, la sensualité musicale de ces personnalités aux caractères attachants et exubérants, qu’un montage et une mise en scène en osmose avec le rythme des musiques rendent étourdissants et vivifiants.
© LES FICHES DU CINEMA 2017