Synopsis
Durant les années 2000, Julien Faraut découvre dans la cinémathèque de l’Insep (l’Institut national du sport) 25 boîtes de 600 mètres de pellicule 16mm : soit une vingtaine d’heures de rushes tournés à Roland-Garros par Gil de Kermadec (nommé premier directeur technique national en 1963). Son but : analyser et transmettre l’art du mouvement en alliant regard de cinéaste, narration littéraire et obsession du mouvement sportif. Or, comme le rappelle malicieusement le film, Roland-Garros repose sur les anciens laboratoires de la station physiologique du Parc des Princes, où le médecin et physiologiste Étienne-Jules Marey filma le premier les mécanismes du mode de déplacement de la "machine animale" des êtres vivants. Ayant remarqué que de Kermadec, qui se consacrait pendant chaque tournoi à l’étude d’un seul joueur, avait beaucoup plus filmé John McEnroe que les autres champions, Julien Féraut s’empare de cet abondant matériau pour élaborer un documentaire dont le champ d’investigation est annoncé par une citation de Jean-Luc Godard : "le cinéma ment, pas le sport". Avec son montage où images et rythme s’auto-alimentent, ses bruitages associés aux gestes, façon Jacques Tati, son texte précis, dit par Mathieu Amalric, la musique rock de Sonic Youth et le caractère théâtral du "kid" McEnroe, enfant terrible des courts, on assiste à une mise en abyme entremêlant acteur, sportif et cinéma. L’acmé en sera le résumé, monté comme un western, de la finale qui opposa, le 10 juin 1984, à Roland Garros, McEnroe à Ivan Lendl. Lorsqu’il entre sur le court, l’Américain est n°1 mondial depuis 170 semaines et vient de battre Lendl cinq fois d’affilée. L’issue de ce match aura un impact déterminant sur le tennisman. Pour parvenir à cette conclusion, Faraut va citer, non sans humour, le critique de cinéma Serge Daney (qui avait accepté de tenir la rubrique tennis de Libération), montrer jusqu’à épuisement les coups de colère de McEnroe sur le court - contre une balle récalcitrante, les décisions de l’arbitre, le preneur de son de Gil de Kermadec, des journalistes... - ou interviewer le psychologue clinicien Cédric Quignon-Fleuret. Ce dernier vient éclairer le jeu de McEnroe sous un jour nouveau : "Il s’appuyait sur ses passions destructrices pour produire, là où d’autres n’en sont pas capables. Perfectionniste, il ne comprenait pas que les autres [les arbitres] ne soient pas aussi tendus que lui vers la perfection". Le sale gosse semble alors loin" Globalement, cependant, le film se fonde davantage sur un principe d’association d’idées que sur la construction d’un raisonnement ou sur l’exploration suivie d’une piste. Il balaye ainsi une série de sujets - l’étonnante figure du cinéaste sportif Gil de Kermadec, le portrait de McEnroe (en acteur, en réalisateur, en perfectionniste maniaque), les liens entres les grammaires et les dramaturgies du sport et du cinéma, la question du filmage du tennis... -, sans vraiment les lier ou les hiérarchiser. Son Empire de la perfection est donc un film qui invite à picorer, ce qui peut être ludique et gourmand pour qui aime le tennis et le cinéma, mais peut aussi paraître un peu léger et frustrant. Car chacun de ces sujets pouvait constituer en soi un passionnant sujet de film.
© LES FICHES DU CINEMA 2018
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