Synopsis
2003 s'apprête donc à fêter en grande pompe le dixième anniversaire de la mort de Fellini. Et, entre autres choses, ces célébrations permettent aujourd'hui l'exhumation de ce documentaire tourné pour la télévision il y a plus de trente ans. Il s'agit d'une sorte de making-of de Satyricon, réalisé par l'Américain G. Bachmann, qui, à l'époque, connaissait Fellini depuis une quinzaine d'années et avait déjà vécu quelques aventures avec lui (une virée américaine, une tentative de biographie avortée...). Critique de cinéma passé à la réalisation, Bachmann avait une approche, tournée vers une volonté de saisir la réalité dans l'instant, en opposition assez radicale avec celle de Fellini, qui toute sa vie défendit la re-création contre le réalisme pur. Mais, le fait que les deux hommes soient ici unis par une confiance mutuelle, et une réelle complicité (Fellini joue avec docilité le jeu de celui qu'il ne cesse d'appeler "ball-breaker" - comprendre : casseur de couilles), permet à leurs différences de s'harmoniser et de produire un assez pétillant mélange. Là où le récent Je suis un grand menteur se traînait en épuisantes considérations théoriques, Ciao Federico ! se fond dans la démesure de l'univers fellinien, ouvre grand les yeux et les oreilles, et restitue ce qu'il a vu de façon brute et non didactique. Il faut dire que Gideon a de la chance : Satyricon est sans doute une des oeuvres les plus baroques de Fellini, et son tournage fut (à l'inverse de celui de Casanova, notamment) relativement heureux et touché par la grâce. Fellini y retrouvait le plaisir de faire des films après une période de doute, et les acteurs (de jeunes Américains pour les principaux) trouvaient dans ce délire décadent des échos de ce qu'ils vivaient en même temps (on était en 69, en pleine explosion hippie). Une correspondance illustrée ici par exemple par une séquence où l'interprète de Giton, dans son costume de scène, chante une chanson de Bob Dylan sur la plage. Saisissant ainsi des instants volés (l'attente, le tournage, le repos) le film a ce grand mérite de mettre en évidence l'espèce de continuité qui court du film à ses à-côtés. Polanski passe fugitivement, parle de Disneyland : on dirait qu'il joue et que Fellini dirige. Tout est comme ça. Ciao Federico ! ne saurait donc être considéré comme un film sur le cinéma, mais s'affirme bien comme un film sur la création : car ce n'est pas le travail qu'on y voit, mais le bouillonnement. Quant à l'homme Fellini, Bachmann le laisse à son mystère et ne donne pour le comprendre que quelques pistes concises, comme ces bribes d'interviews mutilées que l'on entend à la fin.
© LES FICHES DU CINEMA 2003