Synopsis
Le corps de ballet de l'Opéra de Paris est actuellement considéré comme la meilleure compagnie de danse du monde. N. Tavernier nous invite à découvrir son travail et surtout se penche sur les destins personnels de quelques-uns de ses 154 danseurs. A l'occasion d'une tournée au Japon tout d'abord, puis dans leur vie quotidienne entre le Palais Garnier et l'Opéra-Bastille. Pour eux la danse est plus qu'une passion, c'est leur vie toute entière. La plupart issus de l'Ecole de Ballet (actuellement dirigée par Claude Bessy), ils se préparent à cette carrière depuis l'âge de 8 ou 9 ans, au prix d'efforts insensés, tant physiques que psychiques. Car, de la première année au dernier soir, la compétition prévaut. "C'est une machine à broyer les faibles" avoue G. Thesmar, ancienne danseuse étoile devenue l'un des cerveaux de la troupe. Machine à broyer tout court, devrait-on ajouter. Car elle engendre quasi systématiquement la frustration. Celle de ne pas être étoile. Celle que ressent la remplaçante qui ne dansera pas et ne pourra donc pas montrer ce qu'elle sait faire. La maison dissuadant ouvertement les grossesses potentielles, la frustration de devoir quasiment renoncer à une vie de famille avant la "retraite" (40 ans pour les femmes, 45 pour les hommes). Et que dire de la souffrance de voir son corps diminuer comme l'explique superbement W. Romoli ? La seconde vie d'un danseur n'est effectivement pas simple à vivre. Pour la plupart coupés de toute vie sociale, accaparés qu'ils sont par leur travail acharné, les retraités se retrouvent certes pensionnés, mais seuls, sans repères, le corps brisé (l'une des actuelles professeurs raconte qu'elle a perdu 2 centimètres en quelques mois !). La discipline et la hiérarchie qui règnent dans la maison se révèlent drastiques (la révérence est toujours de rigueur devant les "maîtres") ! Non seulement N. Tavernier est admiratif du travail inhumain produit par ces artistes-sportifs, en exercice dès le matin (même le lendemain d'un triomphe), mais il sait les amener à se livrer. Apparaissent alors des destins étonnants (Miteki Kudo, fille d'étoile ou E. Platel pour sa dernière soirée), des solitudes poignantes, des combats permanents. N. Tavernier sait s'effacer derrière son matériau (il signe tout juste de-ci de-là quelques plans lumineux), et la richesse humaine de son documentaire est telle que même le spectateur le plus hermétique aux choses chorégraphiques sera intrigué et touché.
© LES FICHES DU CINEMA 2001