Synopsis
En 1997, de passage à Lyon, Bertrand Tavernier rencontrait des grévistes de la faim en lutte contre la "double peine". Cette condamnation judiciaire aberrante qui expulse des étrangers après leur voir fait purger une peine d'emprisonnement. La loi française prévoit pourtant que "nul ne peut être puni deux fois pour la même faute". Ces 17 jours de grève débouchaient sur des promesses qui n'allaient pas être tenues. Quatre mois plus tard, dix "double peine" entament une seconde grève de la faim. Tavernier, alors en plein tournage de Ça commence aujourd'hui, vient tourner une interview de leur porte-parole et d'un autre gréviste. Leur témoignage est poignant et montre clairement leur détermination. Ces images sont projetées à Cannes, adressées aux autorités et à divers organismes de protection des droits de l'homme. A la vision de ce document, le premier ministre, Lionel Jospin, nomme un médiateur ("gentil" selon les "double peine"). Les grévistes, au bout de 51 jours de grève de la faim, et après l'hospitalisation du plus jeune d'entre eux (système immunitaire et flore intestinale détruits), obtiennent uneassignation à résidence et une autorisation de travail. Mais leur cas est loin d'être résolu. Ces dérogations sont renouvelées tous les six mois et assombrissent, semble-t-il à jamais, l'avenir de leurs familles. Ces vingt dernières années, la double peine aurait ainsi concerné directement environ 17.000 personnes et indirectement plus de 100.000 personnes (familles).Tavernier cherche à démontrer dans ces Histoires de vies brisées que la France refuse une seconde chance à ces hommes et femmes qui ont déjà payé pour leurs fautes. Ils ne cherchent qu'une chose : se réinsérer, travailler, conduire dignement leur famille. Et en trois ans de tournage, il montre qu'ils sont de bonne foi. Paradoxalement, en les expulsant ("vers un pays où le soleil brille et où le ciel est toujours bleu" comme le présentait un juge en rendant son verdict !) pour des raisons de sécurité nationale, la France s'expose à les voir revenir clandestinement (toute leur famille est là et, le plus souvent, ils ne parlent même pas la langue de leur pays d'origine) et à être bien davantage entraînés vers la récidive. Sans parler de leurs familles qui ont légitimement la rage contre cet Etat injuste, cette justice à deux vitesses. Moins universel que le magnifique De l'autre côté du périph', mais totalement au service de la cause qu'il défend, Histoires de vies brisées propose un regard militant mais humain et passionnant d'un phénomène indigne du pays de la liberté !|#|#
© LES FICHES DU CINEMA 2001