Synopsis
Microcosmos a définitivement, à l'instar de ses héros, fait des petits. Il y a fort à parier que sans son succès,
La Marche de l'empereur, film animalier à gros budget, n'aurait jamais eu droit à un tel traitement de faveur ou à une pareille campagne publicitaire. Avec son casting de voix célèbres, le film débarque plus comme une superproduction destinée à tout rafler que comme le document zoologique sur les manchots du Pôle Nord qu'il est pourtant. Car le film s'appuie sur une base relativement austère : la passion du photographe et documentariste Luc Jacquet pour le grand désert blanc. De ses longues observations du manchot empereur, il a tiré un scénario constituant l'armature de ce long métrage en forme de prouesse technique. En effet, les caméras réussissent ici à s'approcher au plus près des animaux, à capter leurs gestes avec fluidité et sans qu'à aucun moment la présence d'humains encombrés de machines se fasse sentir. Comme dans
Microcosmos à nouveau,
La Marche de l'empereur réussit à rendre l'exploit facile, apte à emmener plus loin le spectateur. Mais à ce stade,
La Marche de l'empereur s'éloigne de
Microcosmos en optant pour une véritable narration, au sens le plus classique du terme. Pour cela, il introduit tout d'abord la notion de temps : il y aura un début, une fin, et des péripéties entre les deux (le rude hiver, l'accouplement, les naissances). Ensuite, il se focalise sur un seul couple, et l'humanise grâce aux voix off de comédiens stars (Berling et Bohringer). Résultat : le film se détache peu à peu du documentaire pour devenir un authentique conte pour enfants. Clairement, le réalisateur élabore de toute pièce une situation dramatique. Les échecs d'autres couples sont montrés comme des tragédies, les moments d'émotion sont soulignés par les grands sentiments de Berling, Bohringer et Sitruk (l'enfant). Bref, l'anthropomorphisme fonctionne à plein. Et donc, là où
Microcosmos s'efforçait de rendre son étrangeté à la nature,
La Marche de l'empereur cherche à la rapprocher des impulsions familiales ou sentimentales les plus humaines. Les sentiments traduits par les voix, tentant presque de nous faire croire à l'inébranlable amour du couple vedette, frôle ainsi parfois le ridicule. L'avantage est, bien entendu, la dimension très grand public et accessible qu'acquiert ainsi le film, et qu'accentue lourdement la musique popisante d'Émilie Simon. Jacquet a donc choisi de sacrifier l'observation au profit de l'efficacité. Il réussit ainsi une sorte de fiction assez mignonne, mais gâche peut-être ce qui aurait pu devenir un véritable hommage à la nature et à l'animal dans sa singularité.
© LES FICHES DU CINEMA 2005