Synopsis
Le Christianisme évangélique est une déclinaison particulièrement conservatrice du protestantisme. Les chrétiens évangéliques représentent 38% de la population des États-Unis, et le plus connu d’entre eux est sans doute le président George W. Bush lui-même. Dès lors, il est évident que la politique des États-Unis est fortement influencée par ce mouvement religieux.
Jesus Camp nous le présente sous un aspect particulièrement spectaculaire, puisqu’il nous fait pénétrer dans un camp où l’on se propose d’endoctriner les enfants. En effet, pour Becky Fischer, la femme pasteur qui est à la tête du camp, l’évangélisation doit se faire dès le plus jeune âge, car les générations précédentes, en se détachant des valeurs chrétiennes traditionnelles, ont instauré une forme de chaos. Selon ses propres mots, il n’y a qu’à « regarder ce que font nos ennemis directs, les musulmans, qui apprennent à leurs enfants dès leur plus jeune âge à construire des bombes et à se servir d’armes militaires ». Ainsi s’expliquent les chorégraphies d’enfants, filles et garçons, habillés en petits GI des forces spéciales, avec peintures de guerre sur le visage, chantant et dansant leur combat pour l’amour du Christ. Aux États-Unis, les enfants peuvent suivre leur cursus scolaire en dehors du système d’État. Ainsi, l’éducation évangélique a toute licence pour tourner en dérision la science en général, et Darwin en particulier. Le manuel scolaire fondamental est naturellement la Bible, où se trouve écrite « la Vérité ». Dans cette perspective, le jeune Harry Potter apparaît comme un personnage démoniaque, dont il faut donc se préserver : la magie et les miracles ne peuvent émaner que de personnages bibliques. Dans
Jesus Camp, on voit une effigie de Bush grandeur nature vers laquelle un pasteur demande aux enfants de se tourner pour prier. Voilà donc un film qui fait peur. Voilà un mouvement religieux dont on nous montre que ses pratiques diffèrent bien peu de celles d’une secte, et dont on nous apprend en même temps qu’il a d’étroites connexions avec le gouvernement de la première puissance mondiale ! Voilà renvoyés dos à dos les fondamentalistes musulmans et chrétiens, qui semblent décidément se retrouver dans leur désir d’une grande guerre de religions ! La démonstration utilise une forme très directe : les scènes spectaculaires s’enchaînent, et aucun commentaire ne vient les relativiser ou en orienter la lecture. Du coup, on peut reprocher au film de caricaturer le christianisme évangélique, ou, au contraire, d’aller dans son sens en jouant de son pouvoir de fascination (d’ailleurs, Fischer ne s’oppose pas à la diffusion du film, et reconnaît même qu’il peut lui faire de la publicité). Toutefois, on peut surtout penser qu’Heidi Ewing et Rachel Grady font confiance à l’intelligence du spectateur, le laissent libre de son jugement, et en cela s’opposent concrètement, par l’exemple, aux méthodes qui ont cours dans le camp.
© LES FICHES DU CINEMA 2007
