Synopsis
D’avril 1831 à mars 1832, Tocqueville sillonna avec fascination et soif de comprendre les États-Unis d’alors, c’est-à-dire la Nouvelle Angleterre, un peu de l’Ohio, du Tennessee et des grands lacs, et Washington. Il en résulta en 1835 l’un des plus forts écrits qu’une pensée politique produisit jamais, «De la démocratie en Amérique». En 2004-2005, « BHL » partit, armé de sa modestie légendaire, « sur les pas de Tocqueville ». Sic ! Car géographiquement il se limita pour l’essentiel à l’Ouest du pays, et quant au fond... Il en résulta en 2006
American Vertigo, qui chez nous suscita majoritairement (au mieux) une belle indifférence, et aux États-Unis, le plus souvent, une franche hilarité : « mis à part qu’Alexis de Tocqueville et Bernard-Henri Lévy sont tous les deux français, ils n’ont rien de commun. Tocqueville était un juriste imprégné de pragmatisme et d’idéaux moraux, M. Lévy est un intellectuel à paillettes, beau parleur un peu snob » écrivit le
Los Angeles Times, qui ne fut pas le plus féroce ! En 2007, voici
American Vertigo, le film ! Le scénario, car le générique prétend qu’il y en a un, est signé Gilles Hertzog, déjà coscénariste avec Lévy du mémorable (!) Bosna, en 1994. À la caméra, on retrouve le documentariste M. Netchak, remarqué naguère pour le court métrage
Une vie de chiens, et réalisateur en 2001 d’un long métrage intéressant mais narcissique, où B-H. Lévy apparaissait très, très longuement :
Serbie, année zéro. Mais l’auteur véritable de cet
American Vertigo est à l’évidence BHL lui-même, qui, dans une « note d’intention », indique : « Ce film est l’adaptation fidèle, pas à pas, de l’aventure que j’ai vécue (...). Ce film, enfin, je l’ai inspiré puisqu’il est le reflet de mes positions sur l’Amérique d’aujourd’hui ». C’est donc bien à B-H. Lévy que nous devons ce qui nous est donné à voir, et c’est consternant ! En fond, sans répit, le texte du livre, ampoulé, verbeux, empli de lieux communs. BHL n’a quasiment rien à écrire et l’écrit mal : cela s’entend d’autant plus que J-P. Kalfon, bon comédien pourtant, le dit avec une absence totale de conviction (ce que l’on peut comprendre...). On va d’un endroit à l’autre : prison de New York, Dearborne, Chicago, le Montana, Alcatraz, Los Angeles, San Diego, etc., sans l’ombre d’une cohérence. Mais surtout sans que rien ne soit jamais approfondi, sans qu’à aucun moment la réflexion ne nous questionne ou nous stimule. De scénario, pas l’ombre ! Pourquoi la séquence, d’une rare lourdeur, dans une boîte de travestis est-elle si longue, et pourquoi ne fait-on qu’entrevoir des gens qui auraient pu avoir quelque chose à nous dire, comme Jim Harrisson, Samuel Huntington, Warren Beatty ou James Ellroy ? Mystère. Priorité à BHL, a dû décréter M. Lévy ! Et on finit par se désintéresser d’autant plus de ce qui se passe sur l’écran qu’au degré zéro de l’écriture littéraire s’ajoute le degré zéro de l’écriture filmique.
© LES FICHES DU CINEMA 2007