Synopsis
22 décembre 2002 : les radios annoncent la mort à 50 ans de Joe Strummer, ex-leader du groupe The Clash, victime des suites d’une malformation cardiaque. Ainsi commence le film-hommage, que propose Julien Temple, qui avait débuté avec les Sex Pistols (
La Grande escroquerie du rock’n’roll), en 1978, avant de raconter leur « véritable histoire » dans un documentaire de 2000 (
L’Obscénité et la fureur). Logique lorsqu’on sait que The Clash, rappelle le film, effectua sa première tournée (« Anarchy Tour »), peu après sa formation fin 1976, en première partie des Pistols : un bide notoire, comme le savent tous les fans ! Mais ce n’est pas seulement à ceux-ci que s’adresse ce
Joe Strummer, dont la première qualité est de retracer avec clarté la carrière de ce rocker devenu mythique : depuis son enfance aisée (il était fils d’un diplomate britannique) et ses débuts punk au sein des Vultures (vautours !) en 1973, puis des 101ers, jusqu’à sa fin de carrière, quasi hippie, avec les Mescaleros. La deuxième qualité du film est de resituer avec pertinence et habileté cette carrière dans le contexte sociopolitique de ces cinquante années tragiques et riches. Au centre de ces 123 minutes, l’histoire de Clash, 1976-1985, est retracée sans complaisance et avec un brio certain : témoignages des survivants (le guitariste Mick Jones, les batteurs Topper Headon et Terry Chimes...), de disciples ou admirateurs célèbres (Bono, J. Jarmush, qui fit tourner Strummer dans
Mystery Train, M. Scorsese, J. Depp, etc.), animations à partir de dessins de Strummer (qui avait fait les Beaux-Arts), et surtout documents d’archives : enregistrements, conférences de presse, concerts, tournées... Est-ce que cela tient à la personnalité particulière de Strummer ou à la manière dont l’a traitée le cinéaste (qui était aussi son ami) ? Toujours est-il que ce film sort rapidement des sentiers battus du scénario rock’n’roll type pour aller aborder quelques problématiques plus adultes (peut-on chanter le chômage dans un stade ? comment retrouver l’envie de faire quelque chose quand on a fait ce qu’on avait à faire ?), et les contours d’une personnalité qui est celle, non pas d’une icône, mais d’un individu, avec tout ce que cela implique d’ambiguïtés et de contradictions. Une autre grande qualité de ce film est de montrer combien The Clash et Joe Strummer ne peuvent se réduire à l’épithète « punk », tant ils se sont très vite éloignés de la révolte et de la musique primaire des Pistols. Les textes de Strummer témoignent d’un engagement politique aussi radical que généreux et, derrière sa violence, la musique de Clash est d’une grande richesse, intégrant et maîtrisant les apports du reggae, du blues, etc. Du coup, la fin du film déçoit. On se lasse des retrouvailles autour des « feux de camp » que Strummer, nous dit-on, affectionna dans les années 1990. En 2003, sur le site de « son » Glastonbury Festival, un monument lui fut érigé : on se lasse aussi de celui que dressent les discours quasi hagiographiques tenus par ses ex-ami(e)s.
© LES FICHES DU CINEMA 2007