Synopsis
Le festival de Glastonbury est le plus vieux festival de rock du monde. Fondé en 1970 par Michael Eavis, un fermier libertaire, désireux d’implanter l’esprit de Woodstock dans son champ, le festival a pris une ampleur considérable et survécu à tous les changements d’époques. Eavis apparaît donc régulièrement dans le film pour conter quelques anecdotes. Toutefois, il ne s’agit pas là d’un véritable récit chronologique. Mélangeant des images de différentes époques sans jamais mentionner la moindre date, Glastonbury semble se vouloir avant tout une plongée dans le festival « comme si vous y étiez ». Autre surprise déconcertante par rapport à ce que l’on pouvait attendre :
Glastonbury n’est en aucun cas un film musical. D’abord, parce que les extraits de concerts ne sont présentés que comme des ponctuations musicales, généralement assez courtes. Ensuite, parce que la musique n’est même jamais évoquée par les protagonistes. En fait, Glastonbury n’est jamais envisagé comme un festival rock, toujours comme un rassemblement. Et là encore, ce n’est même pas la musique qui crée la cohésion. Ce qui est donné comme l’élément rassembleur, c’est le besoin de liberté : exploser un bon coup, être soi-même le temps d’un week-end. Il s’agirait donc de quelque chose entre la thérapie de groupe (avec, au programme : danses primitives, bains de boue, amour libre, etc.) et le meeting politique (le festival brasse la parole contestataire et soutient de multiples mouvements). Temple semble développer le fantasme d’une sorte de cour des miracles moderne, peuplée de « freaks » dont il suggère qu’ils pourraient être les descendants des pèlerins qui affluaient jadis sur ces terres sacrées. Mais il faut du temps pour entrer dans sa vision. En effet, ce qu’il nous présente n’apparaît, d’abord, guère différent de ce que l’on peut voir en marge de n’importe quel festival : des jeunes gens défoncés à la bière ou à l’acide, faisant du tam-tam et du diabolo en trouvant que la guerre, c’est moche. A priori, pas vraiment de quoi susciter un grand élan d’enthousiasme ! Et pourtant, à la longue, à mesure que l’on s’enfonce dans le film en perdant l’espoir d’y trouver ce que l’on cherchait, on finit par trouver autre chose. Car, peu à peu,
Glastonbury apparaît comme une sorte de bouillon de culture dans lequel on peut regarder pousser les graines de la contestation, depuis l’ère hippie jusqu’à la génération techno. En effet, avec ce film, comme avec
Joe Strummer, Julien Temple pose la question de savoir comment la rébellion, l’idéalisme ou la liberté traversent l’épreuve du changement (d’âge ou d’époque), et tente de faire passer l’idée qu’ils peuvent y survivre. Car faire de ces notions l’apanage de l’adolescence ou d’époques très précises (deux ou trois zones chaudes des années 1960 et 1970) est finalement le meilleur moyen de les minimiser, de les réduire, de les disqualifier. Prouver le contraire, en montrant quels compromis et quelles intransigeances cela implique, apparaît alors comme un beau projet.
© LES FICHES DU CINEMA 2007