Synopsis
Gorée, au Sénégal, est historiquement un bien triste port, puisque, de son littoral, sont parties la plupart des embarcations négrières à l'époque du commerce triangulaire. Ce lieu est donc lourd de symboles pour toute la population africaine. Inventé par une population déracinée - ceux que l'on appelle les «Afro-Américains»- le jazz prend donc sa source en Afrique. Dans les années 1960 et 1970, de nombreux musiciens noir-américains ont d'ailleurs fait un pèlerinage - physique ou juste musical - en Afrique, par besoin de revenir aux origines de leur culture et de leur musique. En 2004, dans Du Mali au Mississipi, le film qu'il avait réalisé pour sa série sur l'histoire du blues, Martin Scorsese s’était intéressé plus particulièrement aux liens qui unissent le jazz américain aux musiques contemporaines du continent africain. Il était donc parti au Mali pour explorer cette piste. Avec Retour à Gorée, le mouvement s'inverse : ici, c'est Youssou N'Dour qui décide de quitter Gorée pour aller à la rencontre des jazzmen des États-Unis (à la Nouvelle-Orléans, à Atlanta, à New York), en passant (coproduction oblige) par le Luxembourg. Ainsi, il refait la route des esclaves, mais en la transformant cette fois en un parcours initiatique, en un chemin menant à une un rassemblement culturel et non à un déracinement. Au fil de ses rencontres, Youssou N'Dour laisse progressivement sa musique prendre des teintes «jazzy»et constitue son nouveau groupe, avec lequel il donnera finalement un concert symbolique dans le mémorial du port de Gorée. À l'origine du projet, on trouve Moncef Genoud, un pianiste de jazz suisse, qui proposa à N'Dour de réinterpréter ses chansons. De fil en aiguille cette idée a débouché sur un projet de film. C'est Pierre-Yves Borgeaud, journaliste indépendant et mélomane dans l'âme, qui a été choisi pour le réaliser. Retour à Gorée est donc une commande, totalement au service de sa star. Par conséquent, il ne s'agit aucunement d'un portrait de Youssou N'Dour, car le réalisateur n'essaie jamais d'aller au-delà de sa mission initiale : la mise en valeur du grand projet de l'artiste. En cela, on a le sentiment que Borgeaud oublie qu'il est journaliste en ne titrant pas suffisamment parti du sujet qu'il lui est offert. On sent que sa référence principale est le Buena Vista Social Club de Wenders, dont il reprend globalement la structure : un making-of de concert entrecoupé de brefs portraits. Mais, ainsi, Borgeaud n'envisage la constitution du groupe que comme un événement musical, en mettant de côté toute la dimension politique et historique du projet. Retour à Gorée se contente donc de mettre en images une stimulante expérience artistique en prenant ala forme d'un sympathique film de famille, mais il passe à côté d'une partie de son sujet.
© LES FICHES DU CINEMA 2008