Synopsis
Depuis plus de 35 ans, Joseph Morder développe une oeuvre abondante, dans les marges du cinéma traditionnel. Il arrive que ses films connaissent une diffusion commerciale à peu près normale. Il arrive que ses films puissent s’apparenter à de traditionnelles fictions (le récent
El Cantor, par exemple). Mais, pour l’essentiel, l’oeuvre de Morder est d’abord un immense ensemble autobiographique, se développant à travers des films de durées très variées, et sur des supports tout aussi variés (Super 8, pellicule 16mm, vidéo).
J’aimerais partager le printemps avec quelqu’un prend place dans cet ample work in progress, et pourtant il s’agit au départ d’un film de commande. En effet, c’est le festival Pocket Films qui lui a demandé de réaliser un long métrage avec un téléphone portable. Une demande à laquelle Morder a tout naturellement répondu par la mise en chantier d’un nouveau chapitre de son journal intime. Du coup, la dimension d’expérimentation technologique passe rapidement au second plan. Avec une contrainte similaire, J-C. Fitoussi, dans
Nocturnes pour le roi de Rome, avait transformé la médiocre qualité des images qu’il avait filmées en une matière poétique. Il en avait fait le sujet de son film. De son côté, Morder - qui, lui, réussit à obtenir des images plus nettes - ne fait de la caméra-téléphone qu’un objet de curiosité momentanée, qui redeviendra vite un simple outil, utilisé de la même manière que n’importe quelle caméra DV. Ce fragment de journal raconte la vie de Morder durant les mois de février à mai 2007. Il est par ailleurs centré sur l’émergence inespérée d’un événement pendant le tournage : la rencontre entre le cinéaste et un jeune éphèbe, prénommé Sacha. Cette rencontre est filmée en direct (et la caméra en est d’ailleurs le prétexte). Lors d’une seconde rencontre, la caméra deviendra un intrus encombrant, engendrant le ratage du rendez-vous, si bien que l’affaire se conclura finalement hors-champ. Entre-temps, Morder nous aura montré les effets de la cristallisation (il filme tous les «Sacha» inscrits sur les affiches, et tous les chats du coin, qu’il surnomme évidemment Sacha...). Et, tout en restant obsédé par sa rencontre, il aura trouvé le temps d’aller écrire un scénario à la campagne, puis de s’intéresser à l’élection présidentielle. Il résulte de tout cela un film délicat à juger. En effet, comment avoir un avis objectif sur un travail aussi subjectif ? Car ici la dimension de création artistique est beaucoup moins visible, par exemple, que dans
Le Filmeur de Cavalier (qui apparaît d’ailleurs dans le film). Rassemblant des images tournées sur une durée beaucoup plus courte, employant une trame plus linéaire et narrative, J’aimerais partager le printemps... apparaît comme un film «à chaud», relativement dénué de recul. Son intérêt fluctue donc en fonction des hasards et des humeurs du diariste.
© LES FICHES DU CINEMA 2008