Synopsis
Amy Berg, à qui l’on doit cette enquête courageuse, est une documentariste dont le travail est tout particulièrement axé sur des sujets de société souvent proches des préoccupations des plus démunis. Et c’est là son point d’ancrage car, aux États-Unis, l’Église s’occupe plus particulièrement d’enfants pauvres et sans repères. Pourtant, les victimes ayant ici courageusement accepté de témoigner n’ont pas été privées de dignité économique, mais tout simplement de leur enfance. En effet, le documentaire s’attache aux méfaits du Père Oliver O’Grady, prédateur froid de l’Église catholique, qui a abusé sexuellement et spirituellement des enfants dont il avait la charge pastorale, ainsi que de la confiance de leurs parents. Le travail d’Amy Berg s’articule autour du témoignage d’O’Grady, qui a accepté de livrer sa version, proprement fascinante. Sans jamais chercher à atténuer la gravité de ses actes, il les explique, calmement, précisément, nous en livrant le terrible historique et le difficile descriptif. L’aveu final de son propre drame (il a lui-même été abusé par un prêtre à l’âge de 10 ans, puis par son frère aîné) finit de conférer à l’ensemble la dimension d’une tragédie ou d’une malédiction éternellement recommencée, à laquelle il semble si difficile de se soustraire. Pourtant, il n’y a pas de fatalité, et les abusés ne deviennent pas forcément abuseurs. Mais le chemin de la reconstruction est long et douloureux. C’est ce que soulignent les témoignages, retenus et pudiques, des victimes, qui révèlent combien chaque jour est un combat pour tenter de réparer sa vie, retrouver la confiance, mais aussi restaurer sa foi. Un combat qu’elles ne veulent pas perdre et que deux d’entre elles, soutenues par le Père Tom Doyle, prêtre scandalisé par l’inertie pusillanime des autorités catholiques, sont allées porter jusqu’au Vatican. Mais les portes leur sont restées fermées. Et voilà bien toute la terrible problématique que pose ce documentaire. L’Église semble infiniment plus soucieuse d’étouffer les scandales à coup de millions de dollars que de porter un secours charitable et nécessaire aux victimes. Malgré les plaintes réitérées de plusieurs paroissiens, le clergé, désireux d’éviter l’infamie d’un désordre, en a préféré un bien plus grand, en ne sanctionnant jamais le prêtre pédophile mais en le déplaçant de paroisse en paroisse, lui permettant ainsi, couvert par le silence complice de sa hiérarchie, de continuer à commettre ses crimes et à satisfaire ses pulsions en toute impunité. Un procès en 2001 y mettra fin. O’Grady sera condamné à sept ans de prison avant d’être expulsé vers l’Irlande, sa terre d’origine, où il vit désormais. Ce documentaire, parfois un peu long et confus, a le grand mérite de poser ces deux questions essentielles : le célibat des prêtres est-il un dogme inattaquable ? Et quand l’Église a-t-elle perdu sa dimension révolutionnaire initiale, portée par la parole si transgressive du Christ, et son attention aux plus fragiles d’entre nous ?
© LES FICHES DU CINEMA 2008
