Synopsis
«Ladies and gentlemen... the Rolling Stones»: présentation inhabituelle, puisqu’elle est faite par Bill Clinton lui-même, en ouverture de l’un des deux concerts exceptionnels donnés par les Stones, au Beacon Theater de New York, en novembre 2006, devant 2000 privilégiés. Moment hilarant du début de ce Shine a Light : la photo du groupe avec la famille Clinton, et la bise de Keith Richards à la mère d’Hillary ! Une scène qui met en lumière de façon comique le paradoxe d’un groupe qui reste, dans l’imaginaire collectif, associé à une image sulfureuse et rebelle, mais qui est depuis longtemps rentré dans le rang et est aujourd’hui un groupe de rock classé monument historique. Tout au long de leur parcours, les Stones ont été filmés dans toutes les situations, et leur carrière est jalonnée de films de cinéma. On les a vus en répétition devant la caméra de Godard, en concert devant celle d’Hal Ashby. Le cinéma a capté les excès de leur vie en tournée (Cocksucker Blues) et les heures noires du concert d’Altamont (Gimme Shelter). Aujourd’hui, pour ce qui pourrait être le couronnement de cette ample filmographie, c’est nul autre que Martin Scorsese qui se confronte au phénomène. Et en l’occurrence, parler de confrontation n’est pas un vain mot. En effet, la première partie nous montre comment s’opposent la méticuleuse volonté de contrôle du cinéaste et le goût de l’improvisation du groupe. L’un essaie de planifier son tournage, de mettre au point un dispositif de filmage très élaboré ; les autres jouent avec ses nerfs en s’obstinant à n’établir leur «set list»(les chansons jouées pendant le concert) qu’au dernier moment. Scorsese se retrouve donc condamné à s’adapter, et les problèmes techniques qui en découlent sont nombreux : du placement des caméras (elles sont au nombre de 16 !) aux spotlights à utiliser au bon moment... Après cette dizaine de minutes d’introduction, on se dit que, tout au long du film, Scorsese va s’attarder sur la manière dont le film a été conçu. Que nenni ! Lorsque le concert s’ouvre (sur l’emblématique «Jumpin’ Jack Flash»), il lance ses caméras, et s’efface pour près de deux heures de musique. Les moyens mis en oeuvre sont luxueux : 40 cadreurs, une grue et même des caméras au milieu du public ! Du coup, on assiste à une captation très dynamique, s’efforçant de retranscrire de la façon la plus fidèle possible l’atmosphère du concert. De ce point de vue, le film est une réussite et il procure un vrai plaisir. Mais la limite vient du fait que cette réunion de survivants des furieuses années 1970 (Scorsese et les Stones) est, aujourd’hui, avant tout une réunion de grands professionnels. Les uns et les autres offrent un travail impeccable, mais auquel il manque une part de folie ou le sens du risque. Les images d’archives intercalées tout au long du film permettent ainsi de mesurer l’écart entre ce qui est et ce qui a été : ce qui a miraculeusement su perdurer (l’énergie) et ce qui a disparu (l’insouciance).
© LES FICHES DU CINEMA 2008