Synopsis
Pierre Coulibeuf ne s’embarrasse pas d’un récit, avec un début, un développement, une fin. Il ne cherche pas à rendre compréhensible les événements que l’on voit sur l’écran. Il ne s’intéresse pas à la psychologie des personnages, à leurs émotions, à leurs relations, à leur évolution. Il ne se fixe pas une durée normative ni un format archétypal. Il n’a pas peur du silence. Pierre Coulibeuf ne s’en tient pas aux codes cinématographiques acquis et admis. Prenons
Magnetic Cinema, qui est composé de trois films courts, respectivement intitulés :
Magnetic Cinema,
Pavillon noir et
Le Démon du passage. Impossible de les nommer fiction ou documentaire. Essai peut-être, ou esquisse plutôt, tant le geste de la captation y est présent, traçant de brèves visions, achevées aussi vite qu’amorcées. Pierre Coulibeuf tente, expérimente, invente, rêve ... De danseurs se mouvant dans une nature luxuriante, verdoyante, originelle ; de duos, trios, quatuors éphémères naissant de façon impromptue dans les salles de répétition mais aussi dans les espaces administratifs et les annexes d’un centre chorégraphique aux volumes géométriques ; de visages d’hommes, de femmes, dans des situations sibyllines, de corps féminins nus, de paysages anonymes. Pierre Coulibeuf ne cherche pas à contextualiser, c’est là le cadet de ses soucis ! Ce qui l’intéresse, ce qui l’obsède, c’est la matière des visages, le contact des corps, le mouvement dans l’espace. Il les cadre, tantôt les enveloppant, tantôt se positionnant à distance. Il décadre des histoires potentielles qui disparaissent avant même d’avoir pointé leur nez. Il capte le grain des peaux, l’implantation des yeux, le contour des nuques, la forme des poitrines. Mais à force d’ôter à ses sujets une quelconque identité, tout en créant des formes et des couleurs, il génère du vide. Les êtres disparaissent derrière leur peau. Les visages s’éteignent derrière leur image. Il manque un souffle de vie, une vibration. L’intérêt se dissipe lentement. Et, pour peu que la danse contemporaine soit un terrain inconnu du spectateur, beaucoup de choses risquent de lui rester bien mystérieuses : la référence au chorégraphe canadien Benoît Lachambre et à sa pièce «Lugares Comunes» dans le premier volet, l’inscription du deuxième court métrage dans le récent Pavillon noir, bâtiment construit par l’architecte Rudy Ricciotti à Aix-en-Provence pour accueillir la compagnie d’Angelin Preljocaj, ou encore la collaboration artistique avec le photographe Jean-Luc Moulène sur le dernier film. Dommage. Reste un traitement de l’image admirable (saluons le travail des trois chefs opérateurs : Emmanuelle Collinot, Marie Spencer et Dominique Le Rigoleur). La densité de sa texture et la douceur des lumières confèrent sa qualité hypnotique à ce cinéma magnétique.
© LES FICHES DU CINEMA 2008
