Synopsis
Meilleur joueur de foot du siècle dernier, Diego Maradona a accumulé durant sa carrière tous les excès générés par l’entreprise de sanctification païenne dont il fit l’objet. Cocaïne, boîtes de nuit et buts d’anthologie ponctuent une biographie qui a inspiré de nombreux exégètes. C’est aujourd’hui un rescapé, plutôt en forme, dont la pensée est lente mais encore parfois rationnelle. Qu’Emir Kusturica s’attaque au portrait d’un tel personnage semblait très prometteur. Compagnons d’univers déglingués, leur rencontre devait faire des étincelles. Le film, guidé à l’image par le réalisateur, est ponctué par des chapitres qui abordent chacun une facette du personnage : son enfance, sa famille, le culte qui lui est voué, sa narco-dépendance, ses buts ... Le réalisateur n’étant pas un inconnu, on voit aussi Diego et Emir à Naples ou Belgrade, sur scène ou sur le terrain de foot. On voit aussi les rôles qu’aurait pu tenir Diego dans les films d’Emir ... Le tournage s’est étalé sur deux ans, de la prise de contact à «on se serre dans les bras parce qu’on est pareils». Le résultat à l’écran est un ratage quasi complet. Maradona est une star charismatique : ça, on le savait déjà. L’analyse politique des rapports Nord-Sud par Diego nous indiffère et nous atterre par son indigence. Du côté des poncifs, il apparaît que pendant ses années de dépendance à la cocaïne, il était loin des êtres qui lui étaient chers, devenu comme étranger à lui-même. Maradona a effectivement été un joueur de génie qui a tourné à la baudruche pathétique. Mais ce que Kusturica choisit d’immortaliser, c’est une baudruche qui a accessoirement marqué quelques buts. Il existe déjà des tentatives d’approches documentaires du joueur dans sa pratique sportive. S’attacher à montrer que Maradona fut un génial joueur de football professionnel argentin peut être une noble tâche. Et c’est sans doute la seule possible pour éviter la bascule dans le reality show sordide. Conscient de ce risque, le réalisateur a choisi de le faire penser, chanter et parler. Nous constatons alors que la vivacité de Diego était plutôt sur le terrain. L’image est laide, le film paraît tourné au caméscope, sans préparation, comme si la simple présence à l’écran des deux vedettes suffisait à remplir le cadre. Par exemple, on peut s’agacer de devoir supporter Diego en train de chanter pendant cinq bonnes minutes alors que ses buts sont des repiquages télévisés, flous et sans contextualisation. Ce n’est que du foot mais c’est pourtant là qu’il se passe quelque chose à l’image. Dernière raison du ratage, la volonté de Kusturica de faire de Maradona un leader politique dont les buts furent autant d’offenses à Reagan, Thatcher, Bush (!), le Prince Charles (?!), Elizabeth II (?!?) et Blair ( ...). Et Diego copine avec Fidel Castro, Hugo Chavez. Il reste une scène touchante et simple dans ce naufrage : l’aubade de Manu Chao à Diego, dans la rue. L’un chante, l’autre écoute. Les paroles déroulent le scénario d’un film que Kusturica n’a pas voulu faire ...
© LES FICHES DU CINEMA 2008
