Synopsis
Le 30 septembre 2005, le journal danois "Jyllands-Posten" publie 12 caricatures du prophète Mahomet qui déclenchent çà et là de vives réactions dans le monde arabo-musulman. Le 1er février 2006, "France Soir" les publie à son tour, suscitant l’indignation au sein d’une large part de la communauté musulmane de France et le licenciement de son directeur. L’hebdomadaire satirique "Charlie Hebdo" se porte alors en renfort et, le 8 février, publie lui aussi les caricatures, assorties en une d’un dessin de Cabu représentant le prophète Mahomet se désolant : "C’est dur d’être aimé par des cons". Le 10 février, le CFCM (Conseil Français du Culte Musulman), présidé par le recteur de la Mosquée de Paris, D. Boubakeur, décide d’intenter une action en justice contre les journaux français ayant reproduit les caricatures de Mahomet. Le procès contre le seul "Charlie Hebdo" s’ouvre le 7 février 2007 devant la 17e chambre correctionnelle de Paris. À son issue, le 23 mars 2007, les parties plaignantes (CFCM, Union des Organisations Islamistes de France - UOIF - et la Ligue Islamiste Mondiale) sont déboutées. La relaxe de "Charlie Hebdo" est confirmée en appel le 12 mars 2008. Réalisateur, écrivain et journaliste, Daniel Leconte a soutenu "Charlie Hebdo" dès la menace d’interdiction de parution du numéro sur les caricatures. C’est ainsi que Philippe Val, directeur de rédaction de "Charlie", lui a proposé de filmer ce procès exemplaire à plus d’un titre. Invité à capter, en amont, les réunions de rédaction, mais sachant qu’il ne pourrait filmer dans la salle d’audience, D. Leconte a construit la dramaturgie de son documentaire autour des entretiens avec les différents acteurs : témoins, avocats, magistrats, accusés et plaignants. Il réussit remarquablement à restituer à la fois la gravité et la qualité des débats, tout en conservant la "Charlie’s touch" : intelligence, humour décapant et iconoclaste. En promenant sa caméra dans la salle des pas perdus où se succèdent les entrées et sorties des témoins, pressés par les journalistes, et où s’instaure au fil des heures une sorte de forum populaire, il donne aussi à entendre la vox populi, parfois vox dei ! C’est instructif en diable et parfois émouvant, comme les mots déterminés et lumineux d’Élisabeth Badinter. Instructif également, la pusillanimité de certains médias, d’un bon nombre de politiques (pas tous : F. Hollande, F. Bayrou et, plus surprenant, N. Sarkozy font heureusement exception) et a contrario le vrai courage de quelques intellectuels musulmans, témoins de la défense. Au-delà de la si française et sourcilleuse laïcité, ce documentaire, passionnant de bout en bout, brasse les questions universelles de la liberté d’expression et de la conscience. Il faut souligner pour s’en réjouir que les Musulmans offensés, qui sont si promptement accusés de ne savoir répondre au blasphème que par la violence, ont ici joué pleinement le jeu démocratique et judiciaire, donnant ainsi l’occasion d’un remarquable débat d’idées.
© LES FICHES DU CINEMA 2008
