Synopsis
La thèse que défend Philippe Diaz dans ce documentaire engagé peut être résumée ainsi : le Sud finance le Nord, et ce, de façon de plus en plus massive, depuis que les Espagnols et les Portugais commencèrent à coloniser l’Amérique latine à la fin du XVe siècle. Résultat : les flux de capitaux sont aujourd’hui plus importants du Sud vers le Nord que dans le sens inverse. En d’autres termes, c’est le Sud qui finance le développement économique du Nord, et son niveau de vie, au détriment de ses populations, laissées dans la pauvreté et obligées de vivre au jour le jour dans une économie de survie. Le mouvement de spoliation des peuples colonisés par les Espagnols, les Portugais, puis les Anglais et les Hollandais, aurait véritablement débuté, après une phase de massacres et de pillages, par un vol organisé de leurs terres grâce à la promulgation de lois. Sous le couvert de la légalité que s’accordaient à eux-mêmes les vainqueurs, de nombreuses populations durent abandonner leurs terres et leurs ressources naturelles. Elles durent aussi travailler comme esclaves, notamment dans les mines d’or et d’argent. C’est ainsi que s’établit le financement du Nord par le Sud. Lorsque nombre de pays du Sud obtinrent leur indépendance, les dettes contractées par leurs puissances coloniales pour ouvrir de nouveaux marchés ont été transférées aux nouveaux États. Le Nord proposa des prêts avec d’énormes taux d’intérêts au Sud pour que ce dernier s’acquitte de ses dettes. Il put ainsi vendre au Sud ses produits manufacturés et ses réalisations techniques, en y réalisant des projets pharaoniques, faisant ainsi d’une pierre deux coups. Le Sud est devenu encore plus dépendant du Nord, qui a pu dicter politiques agricoles, commerciales et obtenir des privilèges pour ses entreprises. De nos jours, en obligeant le Sud à surpayer l’énergie, la nourriture et nombre de produits de base, le Nord le tient fermement à sa merci. De l’historien Clifford Cobb à l’économiste John Perkins, du ministre bolivien de l’eau Abel Mamani à l’ex-vice-président de la Banque mondiale Joseph Stiglitz, tous les spécialistes interviewés défendent peu ou prou l’analyse de Philippe Diaz. Mais souvent de manière incantatoire plutôt que par une démonstration argumentée. Quant aux chiffres qui s’inscrivent dans des panneaux intercalaires, leur provenance n’est pas indiquée. On peut regretter que Diaz ne cite pas, la plupart du temps, ses sources. Le plus intéressant dans ce film, ce sont donc les quelques reportages sur le terrain qui émaillent les discours abstraits. On aurait aimé entendre davantage les pauvres gens qui témoignent de leur vie, et dont les propos ne sont utilisés que pour illustrer les paroles des doctes spécialistes. Enfin, le style purement pédagogique du documentaire désincarne encore plus la thèse du réalisateur, déclamée sur tous les tons par les intervenants, qui paraissent, devant la caméra de Philippe Diaz, confits en bien-pensance. Tout cela finit par anesthésier l’intérêt que le spectateur aurait pu porter au propos du film.
© LES FICHES DU CINEMA 2009
