Synopsis
En gros plan, un bras. Inerte. Une main anonyme le badigeonne de bétadine, un désinfectant préopératoire. Ainsi s’ouvre le premier long métrage documentaire de Benoît Rossel, naguère réalisateur remarqué de quatre courts métrages, le premier ayant été consacré au travail scénique de Bob Wilson avec Isabelle Huppert en 2001. Le "théâtre des opérations" dont il s’agit, dans ce film au titre "jeu de mots" amusant et opportun, est un champ de bataille aussi essentiel que mal connu : celui du bloc opératoire, où se joue, chaque jour, l’avenir et souvent la vie de milliers de patients. C’est au Centre Hospitalier Universitaire du canton de Vaud, en Suisse, que Rossel a installé ses caméras, et décidé de suivre le parcours d’un jeune médecin en formation de chirurgie, le Dr. Nikos Kotzampassakis, qu’on ne découvre d’ailleurs que peu à peu. Dès le début du film, une opération simple (une appendicite) est mise en images comme s’il s’agissait d’une exploration quasi surréelle (vous vous souvenez du Voyage fantastique, le chef-d’oeuvre de science-fiction de R. Fleischer ?). L’équipe du bloc s’extasie sur la beauté du "puits" que représente un ventre ouvert : on sent dès ce moment que nous aurons affaire à une démarche documentaire originale et captivante. Captivante, mais difficile, et dont les images peuvent parfois heurter la sensibilité des spectateurs, comme celles de cette amputation pratiquée sur un grand diabétique. Rossel capte remarquablement les moindres détails des opérations qu’il filme : les gestes, l’ordre et la précision qu’elles imposent à chacun, quels que soient son rôle et sa place. Sa rigueur et sa maîtrise sont telles qu’on finit alors par s’habituer. Comme les chirurgiens eux-mêmes. Parfois, le champ s’élargit. On découvre les patients de cet immense C.H.U., on suit les visites des équipes, on admire cette femme qui reçoit stoïquement la révélation un peu brutale de son cancer, puis l’annonce de l’opération qui la sauvera peut-être. On explore les coulisses. On s’aère un peu, comme les chirurgiens là encore : ainsi, le témoignage du professeur Gillet, un "maîtred que l’on voit aussi en action, est savoureux, puisqu’il déclare qu’il n’est un Dieu que dans sa salle d’opération, et qu’il n’a, lui, jamais été opéré ! "Théâtre des opérations"... le parcours du jeune médecin s’apparente parfois à un parcours du combattant : initiation aux drastiques précautions d’hygiène, assistanat modeste lors d’une opération, leçons, oral devant un aréopage de professeurs où il détaille, sans une erreur, les complexités d’une opération du colon. C’est à la chirurgie viscérale que le Dr. Kotzampassakis souhaite se consacrer. Peut-être s’est-il un peu trop mis en avant ? La séquence où un haut responsable lui annonce, sans ménagement, qu’il devra effectuer un détour par les urgences, crée un malaise certain. Insidieusement, et avec une réelle efficacité, Rossel nous rappelle combien chacun est ici entièrement soumis à une hiérarchie incontournable et complexe. Chacun à sa place, comme au bloc...
© LES FICHES DU CINEMA 2008
