Synopsis
Brigitte Chataignier et Adoor Gopalakrishnan, les deux réalisateurs de
La Danse de l’enchanteresse, ont véritablement créé une oeuvre non seulement dépaysante, mais, comme le disent les anglophones : "out of this world". Ils font découvrir au spectateur innocent, même s’il croyait savoir quelques petites choses sur l’Inde, qu’il en ignore encore beaucoup ! Le sujet central du film est le Mohini Attam, danse du Kerala (un État du sud-ouest de l’Inde, ayant comme originalité - entre autres - d’être gouverné depuis longtemps par des communistes). Cette danse ancestrale vient de la tradition indienne des danseuses de temple appelées Devadasis ou "servantes de Dieu". Mohini signifie "Enchanteresse", et Attam "Danse". D’après les anciens textes fondateurs de l’hindouisme, le dieu Vishnu aurait pris l’apparence de la nymphe Mohini afin de convaincre les démons de rendre l’élixir d’immortalité qu’ils avaient dérobé aux Dieux. Tout cela peut sembler bien compliqué : à défaut de les éclaircir véritablement, le film rend ces intrigues moins pesantes et, surtout, plus belles. En prologue, le premier chant, sur fond de ciel, nous emporte vers cet épisode de la mythologie indienne consacré à Vishnu. La particularité de ce mythe est l’association du pouvoir de séduction à l’essence féminine de l’être humain, non pas pour combattre l’ennemi, mais pour l’enchanter et le neutraliser en utilisant la puissance de la beauté et du charme conjugués.
La Danse de l’enchanteresse doit beaucoup au parcours de sa cocréatrice, Brigitte Chataignier. Danseuse classique et contemporaine de formation, elle découvre le Mohini Attam en 1986, et l’étudie pendant sept ans en Inde auprès de plusieurs Maîtres, auxquels elle reste liée. Depuis, elle partage son temps entre la France et l’Inde. Pour son premier film, elle a jugé bon de s’adjoindre la collaboration d’Adoor Gopalakrishnan, grand auteur du cinéma contemporain en Inde (
Quatre Femmes,
Le Serviteur de Kali) mais qui est resté familier des arts traditionnels. La construction du film repose entièrement sur l’alternance de trois éléments : l’enseignement des maîtres, les danses et des paysages superbes. L’absence de récit conventionnel déstabilise, et souligne cette fragilité : non seulement elle peut entamer l’attention du public, mais elle fait un peu regretter que les réalisateurs n’aient pas privilégié une approche plus documentaire et plus informative. Ils ont préféré ne rien dévoiler, comme pour mieux préserver les mystères du Mohini Attam, alliance parfaite de danse, de musique et de poésie. Le film semble alors s’adresser à un public averti, au fait des arts hindous. Une des séquences d’enseignement les plus surprenantes est la "classe assise", durant laquelle les élèves doivent montrer, par les simples expressions de leur visage, l’amour, l’héroïsme, le mépris, la peur, l’émerveillement et enfin la sérénité... Un exemple de la richesse de cette culture auquel il ne manque qu’une structure plus affirmée pour toucher un plus large public. C.R.
© LES FICHES DU CINEMA 2008
