Synopsis
"Les modalités des visites doivent permettre aux détenus de maintenir ou de développer des relations familiales de façon aussi normale que possible". Voici ce que préconisent les règles pénitentiaires européennes, que les parlementaires sont censés adapter au droit français. Hors de toute dimension juridique, polémique ou mélodramatique, le travail de Stéphane Mercurio, auquel elle a consacré quatre années, souligne l’urgence de ce chantier et, de façon sous-jacente, en montre déjà les pièges. En donnant la parole aux familles de prisonniers, filmées dans un lieu d’accueil aux portes de la maison d’arrêt de Rennes, À côté prouve que les textes de lois ne suffisent pas : trop larges, trop imprécis, ils sont difficiles à appliquer. Car, si le droit peut faire évoluer les choses, rien ne les fera tant bouger qu’une conscience publique acquise à cette cause. Et cette conscience ne peut être touchée que par des cas concrets, c’est-à-dire les vies que ces textes impliquent. Ainsi, le code de procédure pénale affirme-t-il qu’en vue de faciliter le reclassement familial des détenus à leur libération, il doit être particulièrement veillé au maintien et à l’amélioration de leurs relations avec leurs proches. Mais qu’en est-il en réalité ? Le documentaire de Stéphane Mercurio s’immisce justement au coeur de cette réalité. Reçue par l’association Ti-Tomm, en charge d’un centre d’accueil indépendant de l’administration pénitentiaire, l’équipe installe sa caméra dans ce lieu, "à côté de la prison, que les visiteurs aperçoivent du jardin où ils passent des heures à attendre leur tour. À force de discrétion, la confiance grandit et les langues se délient. Peu à peu, ces visiteurs invisibles, tout aussi invisibles que leurs compagnons, maris ou fils, enfermés entre quatre murs, s’emparent de ce documentaire pour dire leur souffrance, raconter leurs espoirs, leurs peurs. Jamais il n’est fait mention des raisons de l’enfermement. Jamais la caméra ne se montre impudique : elle n’enregistre que ce qui lui est donné, mêlant à ces images un long travail sur le son. À côté se contente donc d’accompagner et, ce faisant, entre dans les arcanes d’un système carcéral archaïque, qui condamne tout à la fois les coupables et leurs proches. Privés de visite s’ils sont en retard, laissés dans l’ignorance lorsque les détenus sont hospitalisés, obligés de déménager s’il est prévu un hasardeux transfert à des centaines de kilomètres, ces "à-côtés", ces compagnons d’infortune, perdent également leur liberté, dans une indifférence quasi totale. Les rendre visibles, c’est le pari tenu de ce documentaire. On peut, hélas, douter que la forme très classique du film, relevant davantage du style télévisuel que cinématographique, leur permette d’être vus par le plus grand nombre. Mais Stéphane Mercurio, auteure de
Cherche avenir avec toit et
Hôpital au bord de la crise de nerfs, trace lentement sa route au pays des "oubliés". Nul doute que cette route sera longue.
© LES FICHES DU CINEMA 2008
Réalisateur