Synopsis
Jane B. par Agnès V.,
Les Glaneurs et la glaneuse,
Cinevardaphoto,
Les Plages d’Agnès : comme en attestent les titres de la plupart de ses films récents, depuis 20 ans Agnès Varda est devenue le personnage principal de son cinéma. Paradoxalement, c’est à l’occasion du portrait d’une autre (Jane Birkin) que cette tendance s’est affirmée. Mais si Varda se met au centre de ses films ce n’est pas que par narcissisme. C’est aussi parce qu’avec elle, c’est le processus de fabrication des films qui est passé au centre des films eux-mêmes. Varda se montre en train de faire des films, et nous fait partager la jouissance de la création. Et si elle peut réussir cela, c’est que ses films se construisent vraiment comme des work in progress. Travaillant en DV, soutenue par une structure de production indépendante, elle tourne par fragments, vit avec le film et l’invente au fur et à mesure. Ainsi Les Plages d’Agnès a été réalisé entre août 2006 et juin 2008. Le film porte d’ailleurs la marque de ce temps laissé au temps, et ressemble à la fois à un portrait en flash-back et à un journal intime au présent. Deux événements fixent les points d’entrée et de sortie de ce tournage fleuve, et expliquent comment a pu s’imposer cette confrontation, enfin frontale, avec l’autoportrait. D’abord, il y a l’exposition «L’Île et elle» présentée par Varda à la Fondation Cartier à l’été 2006. Celle-ci a donné au film son fil conducteur : les plages. Agnès Varda s’est, en effet, rendu compte que sa vie avait été jalonnée par les plages : celles de son enfance en Belgique et de son adolescence à Sète, celles de Noirmoutier liées à Jacques Demy, celles de Los Angeles évoquant un exil mémorable, etc. À partir du moment où elle avait trouvé cette idée ludique (faire une collection de plages), qui permettait que l’exercice autobiographique soit un jeu de pistes et non pas une cérémonie, elle pouvait se lancer. Et la voici donc qui tire le fil, part en voyage, raconte, rencontre, fouille dans ses archives, fait des digressions, nous balade et s’amuse, en mixant toutes les dimensions d’elle-même : femme, artiste, témoin d’une époque. Le point d’arrivée du périple, c’est l’anniversaire de ses 80 ans, le 30 mai 2008. Cet âge symbolique donne son autre visage au film, celui d’un travail de mémoire conditionné par l’approche de la mort. Quelque chose que Varda résume et minimise avec une simplicité charmante : "Beaucoup de vieilles personnes ont envie de raconter leur vie. Moi aussi". De toute évidence, le film a deux destinataires : d’une part le public, et d’autre part la famille et les proches de la cinéaste. Ce mélange entre la chose publique et la chose privée, le message personnel et l’exhibition-spectacle, produit un film hybride, parfois déroutant, souvent touchant ou drôle, un testament à la fois artistique et intime, dans lequel alternent le souci de léguer et la tentation d’écrire sa propre légende. Mais au-delà de tout, le film est porté par un plaisir toujours intact à jouer avec le cinéma comme un chaton avec une pelote de laine.
© LES FICHES DU CINEMA 2008