Synopsis
Dans son émission de télévision hebdomadaire, Hollman Morris, journaliste colombien, tente d’éveiller les consciences à la réalité sociale et politique de son pays. En pirogue, en avion ou en 4x4, il parcourt inlassablement le pays, afin de traquer l’image ou le témoignage qui fera éclater la vérité au grand jour : "quoi qu’en dise le pouvoir, la Colombie est en guerre". Les paysans en sont les premières victimes. Plantations de coca arrachées, maisons brûlées, bastonnades et disparitions inexpliquées, tel est ce quotidien qu’Hollman Morris tente de donner à voir. Sa tâche est ardue. Et pour cause : dépendante de subventions glanées là où il peut, son émission est diffusée de façon irrégulière, toujours à une heure tardive. La sécurité du journaliste et de sa famille est un souci constant. Les menaces de mort pleuvent. L’exil est même envisagé. D’autant que, continuellement sur le terrain, Morris peine à concilier son travail et son engagement politique avec sa vie de père. Malgré la reconnaissance internationale et les prix prestigieux, Morris est tiraillé. Doit-il sacrifier son équilibre familial pour la défense d’une cause qu’il juge impérieuse ? Et puis, à quoi bon risquer sa vie alors que la grande majorité des Colombiens reste sourde aux dénonciations, préférant s’abreuver de "telenovelas" et feindre l’ignorance ? Face aux menaces et à l’indifférence, le découragement serait légitime. Pourtant, le journaliste militant persiste, conscient d’être le porte-voix des sans-voix. Témoin sur le terrain de la façon dont le gouvernement instrumentalise la menace de la guérilla pour couvrir les dégâts de sa propre entreprise de répression, Morris ne veut pas s’effacer, ni donner raison à ceux qui le menacent, lui et sa famille. Centré sur le combat journalistique et la figure de Morris, ce premier long métrage documentaire de Juan José Lozano regorge d’ambitions. Par le biais de ce portrait, le film n’interroge pas seulement le rôle du journaliste, mais aussi celui du citoyen, donc celui de chacun de ses spectateurs. En fait, ce qu’il cherche à mettre en lumière, ce sont les enjeux de l’engagement au sein d’une société. Au plus près de l’intimité du journaliste, la caméra de Lozano construit une icône : l’analyse de ses ressorts psychologiques est censée répondre à toutes les questions posées. Cette dérive hagiographique est parfois lourde à supporter, surtout quand Témoin indésirable prend la forme de ce qu’il entend dénoncer, c’est-à-dire d’une telenovela, avec ce que cela implique de ton emphatique et d’émotion appuyée. Les scènes avec la famille, où l’épouse est en pleurs, sont parmi les plus crispantes. Ces scories mises à part, on se plaît à découvrir un personnage accroché à sa lutte. En cela, Témoin indésirable peut se révéler précieux. Car, en nous faisant spectateurs du travail mené par son héros, il nous rend également témoins. Il confronte ainsi le citoyen-spectateur sur sa capacité et sa volonté de se rendre à son tour indésirable.
© LES FICHES DU CINEMA 2009
Réalisateur