Synopsis
À première vue, ce film - tourné de façon quasi clandestine par un ancien photographe du National Geographic et primé dans de nombreux festivals, dont Sundance - semble n’être qu’un nouvel avatar de ces documentaires écolos qui ont envahi les écrans depuis le triomphe oscarisé d’Une vérité qui dérange, avec Al Gore. Toutefois, The Cove pousse le chantage à l’émotion un peu plus loin que les autres, par une construction digne d’un film hollywoodien, s’appuyant sur trois éléments imparables. Premièrement : une victime émouvante. On va donc nous parler du massacre des dauphins en montrant du doigt un petit village du Japon, qui vit exclusivement du commerce de ces adorables mammifères aquatiques. Or, quoi de plus efficace pour émouvoir qu’un dauphin maltraité ? En effet, depuis le triomphe de la série télé Flipper, cet animal est devenu l’un des meilleurs amis de l’homme. À tel point que l’idée que l’on puisse lui faire du mal suscite, bien plus que la plupart des conflits africains, l’indignation des foules. L’impact de Flipper dans cette affaire n’est d’ailleurs pas anecdotique, puisque, paradoxalement, le succès de la série est clairement évoqué comme ayant joué un rôle important dans le fait que l’on capture massivement des dauphins pour les enfermer dans des parcs. Ce qui nous conduit au second atout du film : un héros. Celui-ci, Joseph Chisholm, est un éleveur de dauphins qui a collaboré à la série Flipper, et qui, depuis, consacre sa vie à réparer les torts qu’il a lui-même causés aux dauphins en faisant d’eux un enjeu commercial. Sa vie d’activiste, souvent à la frontière de la légalité, l’a donc conduit au Japon, où il se bat contre des villageois fermés, soutenus par un gouvernement plus ou moins complice. Cette quête de rédemption, ajoutée au côté aventurier un peu hors-la-loi, confère à Chisholm une aura immédiate. Enfin, le troisième atout du film ce sont les villageois : de vrais méchants de cinéma, antipathiques à souhait. Mais là est véritablement la limite de The Cove. Car en dramatisant ainsi les enjeux, en réduisant les adversaires de Chisholm à une simple bande de tueurs sanguinaires, le film perd toute objectivité, et donc une grande part de sa crédibilité. Jamais le cinéaste ne donne une chance à des points de vue divergents de s’exprimer calmement, jamais une autre vision du problème ne nous est proposée en contrepoint. Chisholm a peut-être raison, mais le film cherche à nous imposer cette idée plutôt qu’à nous en convaincre en nous permettant d’avoir une compréhension claire de la situation. Le fait de réaliser un documentaire comme un film d’aventures est certes une façon accessible et plaisante de faire passer un message, mais cela nuit hélas beaucoup à l’honnêteté intellectuelle que se doit d’avoir le "cinéma du réel".
© LES FICHES DU CINEMA 2009
Réalisateur