Synopsis
Si l’on voulait voir les choses sous un angle purement marketing, on pourrait présenter Anvil comme un croisement entre deux succès du "rock movie" : Dig ! (2004) et Spinal Tap (1984). Avec ce dernier, légendaire faux docu de Rob Reiner, Anvil partage le fait de se pencher sur le heavy metal des années 1980, son folklore, et la confrontation avec la dure réalité, quand le succès n’est pas celui escompté. Le film rejoint même celui de Reiner sur des points assez précis : les références à Stonehenge, un improbable (et salutaire) succès au Japon... Mais, contrairement à Spinal Tap, qui était une pure création de Reiner et de ses comédiens, Anvil est un vrai groupe de heavy metal. Et c’est cette authenticité qui fait que le film est, au bout du compte, bien plus proche de Dig !. En effet, Dig ! contait les tourments du Brian Jonestown Massacre, un groupe de rock psychédélique américain, qui estimait, à juste titre, ne pas avoir obtenu la reconnaissance qu’il méritait, tandis que les Dandy Warhols, groupe "ami" dont ils étaient proches, rencontrait un succès international. Anvil se penche sur cette même vieille et indémodable histoire : des musiciens qui estiment qu’il n’y a pas de différence entre eux et les rock stars milliardaires et refusent d’abandonner leur rêve. En plaçant au début du film des interviews de sommités du métal, comme Slash (ancien guitariste vedette des Guns’n’Roses) et Lars Ulrich (batteur emblématique de Metallica), qui expliquent leur admiration pour Anvil, le cinéaste rend son sujet plus poignant encore. Oui, et ce sont les stars du genre qui le disent, Anvil était un bon groupe, qui avait absolument tout pour réussir ! Ce qui rend le combat de ces deux losers - le chanteur, Lips, et le batteur, Robb Reiner - à la fois triste et assez beau. La vraie grande différence entre Dig ! et Anvil tient à un point majeur : là où Dig ! racontait comment le leader du groupe, Anton Newcombe, s’était acharné à saboter ses chances par un comportement volontiers autodestructeur, Anvil montre deux musiciens faisant tout ce qu’il faut pour réussir et se heurtant à un obstacle qui ressemble purement et simplement à... la poisse ! Patiemment, le documentaire raconte les tournées désastreuses, les enregistrements de démos et d’albums refusés par les majors, le quotidien de deux quinquagénaires ados qui refusent l’évidence et préfèrent sombrer plutôt que de rentrer dans le rang en se soumettant à la banalité d’une existence ordinaire. Cette persévérance folle, mais également admirable, rend réellement émouvant (même lorsqu’on n’est pas fan de heavy metal) ce film sur la puissance des rêves et de l’amitié. Enfin, peut-être est-il utile de préciser que, encore une fois, comme Dig ! l’avait fait pour les Brian Jonestown Massacre, Anvil a très sérieusement relancé la carrière de ces deux has been, et leur a permis de se rapprocher enfin véritablement de leurs objectifs.
© LES FICHES DU CINEMA 2000