Synopsis
The Doors, un groupe de musiciens américains talentueux et créatifs durant la seconde moitié des sixties, distillèrent sur quelques albums inégaux parmi les morceaux les plus forts de cette époque, empreints de jazz, de psychédélisme et de blues. La chance - et la malédiction du groupe - résida dans l’omniprésence d’un chanteur névrosé et passablement paumé qui se piquait d’être poète : Jim Morrison. À cause de lui, il faudra se coltiner des générations d’alcooliques en cuir noir, titubant devant un micro, psalmodiant de la poésie symboliste pendant qu’un groupe peine à le suivre en improvisant. À la décharge de Morrison, il eut un père très critique, sceptique quant au talent artistique de son fils, militaire de carrière qui, pendant que le fils chantait The End, arrosait le Vietnam de napalm. D’où le mal-être du cocréateur des Doors et son penchant préjudiciable pour l’autodestruction, comme une échappatoire à cette situation schizophrénique. Ne jouant d’aucun instrument, ne sachant pas lire la musique, doutant de son talent, il plombera pendant longtemps l’élaboration des disques, disparaissant sans raison pendant les sessions, ivre mort devant le micro, sans jamais y avoir instillé une tension autre que mélodramatique. The Doors influencèrent, avec plus ou moins de bonheur, toute une génération de musiciens dans les années 1980, comme Noir Désir en France, parmi les élèves les plus appliqués jusque dans les excès. Le documentaire de Tom DiCillo, cinéaste indépendant aujourd’hui en perte de vitesse, montre tout cela avec honnêteté et franchise. Il a choisi modestement le film de montage, convoquant une série d’archives soigneusement sélectionnées. Le début métaphorique - des images d’un film underground de 1970 dans lequel Jim Morrison faisait l’acteur - suggère que le film va se présenter comme une forme d’enquête de Morrison sur lui-même. Mais en définitive la piste d’une vision subjective reste assez peu exploitée. Le film suit sagement une chronologie classique. La narration sobre et distanciée de Johnny Depp permet d’éviter la succession monotone de témoignages des survivants de l’aventure et de ne jamais anticiper hors de l’époque évoquée. Bien sûr, un film sur les Doors commence toujours par parler de création collective avant de dériver vers un portrait de Morrison et de ses frasques. N’oublions pas que les Doors ne disparaissent pas avec la mort de leur chanteur et que Ray Manzarek, peut-être moins charismatique, fut un producteur important dans la scène punk américaine. Enfin, When You’re Strange réussit à faire oublier au spectateur l’aberration kitsch d’Oliver Stone pour remettre la musique au premier plan. Mais pourquoi un tel film aujourd’hui, dans la mesure où il n’apporte aucune révélation particulière sur le groupe ?
© LES FICHES DU CINEMA 2010