Synopsis
Siné, infatigable caricaturiste anar, fête ses 80 ans avec la rage de ses 20. Athée, anti-flics, anti-armées, anticolonialiste, il a été, et reste toujours, de tous les combats. Dernier coup d’éclat en date : le journal Siné Hebdo qu’il monte dans l’urgence après avoir été viré par Philippe Val de Charlie Hebdo, où il officiait depuis quinze ans. C’est en suivant le fil de cette aventure, filmant des conférences de rédaction qui ressemblent à d’improbables et pétillantes réunions de famille, que sa fille Stéphane Mercurio (réalisatrice du sensible et remarqué À côté en 2008, consacré aux parloirs des prisons françaises) dresse un portrait émouvant, drôle, et résolument révolté, de son père. L’occasion de parcourir en images (ses dessins, évidemment, mais aussi quelques délirantes apparitions télé avec Jean Yanne) la vie du dessinateur. L’occasion, surtout, de découvrir que l’engagement de Siné dépasse ses inimitables chats et ses bras d’honneur au trait si caractéristique. Dénonçant dans ses dessins de L’Express la torture en Algérie, il a accueilli des réfugiés algériens, fabriqué des faux papiers. Il a également sympathisé avec Malcolm X, a rencontré Fidel Castro, s’est lié d’amitié avec Jacques Prévert et a marqué de sa plume acérée quantité d’affiches de cinéma et de disques de jazz. "Mourir ? Plutôt crever !" : le titre du documentaire renvoie à l’épitaphe que Siné souhaite voir apparaître sur la tombe qu’il a achetée en"copropriété" avec quelques amis (notamment le Grolandais Benoît Delépine). La pierre tombale ? un poing rageur qui crève le marbre pour faire un doigt à ceux qui restent. L’imposante sculpture, encore à l’état de projet, résume bien la vie du bonhomme. Oui, Siné est un artiste roublard et sans compromis, féroce contre les puissants de tous poils, auxquels, indubitablement, son geste sera directement adressé depuis l’au-delà. Mais son doigt est aussi devenu un acte de tendresse, un signe de reconnaissance pour tous les “sinéphiles” qui ont récemment suivi l’aventure de Siné Hebdo, comme ils avaient pu suivre, dans les années 1960, celle de Siné Massacre, à l’époque où le dessinateur s’était fait virer de L’Express. L’histoire de Siné est une sorte d’éternel recommencement, une perpétuelle leçon de survie, têtue, opiniâtre, roublarde, face à l’adversité. S’inscrire toujours, d’office, du côté des opprimés contre l’oppresseur, quel qu’il soit. Sorte de film-testament - même si le dessinateur se défend de faire son "Siné dernière", comme il y a eu Choron dernière (Pierre Carles et Éric Martin, 2008) -, Mourir ? Plutôt crever ! pourrait facilement verser dans la nostalgie, en ce temps de deuil des utopies et d’apathie militante. Il a, au contraire, le mérite de réactiver, au présent, les combats et les révoltes du dessinateur. Plutôt qu’un doigt, le film est surtout une bonne claque. Le genre qui réveille et qui donne envie d’y croire encore !
© LES FICHES DU CINEMA 2010
Réalisateur