Synopsis
Documentaire d’un cinéaste iranien, architecte de formation vivant en France, Bassidji aborde un sujet lourd et tente de lever un peu le voile sur un pays qui fascine, intrigue ou terrifie de plus en plus. Tourné avant la réélection controversée d’Ahmadinejad, ce film permet de comprendre un peu le fonctionnement mental de son clan en s’intéressant aux Bassidji (les "mobilisés", en persan), une force paramilitaire émanant des Gardiens de la Révolution islamique. Ce terme désigne aussi les martyrs anciens du Coran et de l’histoire musulmane mais, plus spécifiquement, ceux de la guerre contre l’Irak des années 1980. Le noyau dur des Bassidji est avant tout constitué de vétérans de ce conflit, véritables héros nationaux et pierres angulaires du régime. Mais ce que le film montre, c’est également la présence des morts, le culte particulièrement réglé et construit autour des martyrs, qui infiltre toutes les couches de la société et agit comme modèle indépassable. Du coup, les Bassidji ne sont plus seulement les vétérans, mais tous ceux qui communient dans ce culte et acceptent de rejoindre les rangs informels de ce mouvement. Le cinéaste filme des instants où les Bassidji évoquent l’héritage de la guerre et leur volonté de conserver une société iranienne fidèle à l’héritage du Rahbar (Guide suprême) et de la révolution de 1979. Les controverses dans les conversations sont nombreuses, filmées sans filtre, et font lentement surgir l’idée d’une guerre (celle contre l’Irak) bénie car ayant permis de fortifier (dans le sang, la résistance) toute une génération chargée de porter le nouvel État de Khomeiny. Les rites célébrant ces sacrifices indispensables au ciment de la société iranienne sont donc légion. L’un des sommets du film demeure une scène de pleurs collectifs, suivie d’une interview très hermétique de l’imam ayant présidé à cette cérémonie. Le documentariste tente d’éviter tout raccourci, présupposé ou simplification malheureuse et parvient à ouvrir le débat par le biais de questions posées par des Iraniens (visiblement des jeunes ou des femmes) à un groupe de Bassidji. Ces moments sont précieux en ce qu’ils montrent la dimension souvent intolérante du groupe, mais également l’habileté qu’il peut parfois déployer. Ainsi, cet éditeur, pourvu d’une bonne tête et d’une certaine science rhétorique, qui n’a pas peur de dire au cinéaste qu’il est quelqu’un de bien et qu’il finira probablement par les comprendre. Athée, Tamadon a trouvé le bon dispositif pour "filmer l’ennemi", le comprendre, le faire parler et révéler son dogmatisme. Mais, à l’inverse d’un Michael Moore, il s’interdit de débattre en son nom, au risque de sembler se laisser manipuler par son interlocuteur. Ce qui n’enlève rien à la force souvent tranquille, sans haine ni jugements hâtifs, de ce film.
© LES FICHES DU CINEMA 2010
