Synopsis
Quand, en l’an de grâce 2000, MTV lance la série Jackass, c’est un électrochoc pour la sage Amérique puritaine : elle est prête à tolérer le sexisme des clips musicaux de la chaîne, mais n’est pas du tout préparée à ce qu’une bande de vilains garnements s’en mette plein la figure dans la joie et la bonne humeur, au fil d’“épreuves” plus absurdes et stupides les unes que les autres... avec une préférence pour des gags scatologiques, propres à écoeurer les vaillants garants de l’"American way of life". Tant et si bien que l’expérience n’aura duré que trois saisons, MTV cédant trop facilement aux censeurs selon les "Jackasses"... Huit ans (et tout de même deux films et demi) plus tard, l’équipe de Jackass revient... et a pris de l’âge. Les mentalités ont donc un peu évolué : le leader naturel du groupe, Johnny Knoxville, a percé un temps à Hollywood (avec, entre autres, un mémorable Shérif, fais-moi peur, le film !) et a désormais tendance à se mettre en scène dans ses sketches et à s’octroyer les bons mots pour clore ceux des autres ! Et pourtant, l’acteur, presque quadragénaire, réussit à ne pas se prendre au sérieux, et met en avant le dynamisme qui unit les membres du groupe. C’est le principe "bon enfant" sur lequel s’est construit Jackass : en lieu et place de farces bêtes mais méchantes qu’une bande de "happy few" infligerait à des inconnus, il n’y a ici que des victimes très volontaires et joyeusement consentantes, qui rivalisent de courage (ou de stupidité !) dans des défis sans queue ni tête. Chacun a sa spécialité : Knoxville s’impose les cascades un brin risquées (escalader un sapin sur le point d’être coupé, tenter un vol plané à jet-ski depuis une fontaine...) ; l’étrange Steve-O ne s’exprime pleinement que dans des épreuves purement trash (le sketch "Poo Cocktail Supreme" est à déconseiller aux estomacs sensibles !) ; le nain Wee Man et ses complices de petite taille s’offrent un grand moment de "nonsense"... Sans oublier Chris Pontius, l’exhibitionniste de service ! Cette combinaison d’énergies débridées et déraisonnables, empruntes de sadomasochisme tout autant que de scatologie, constitue l’âme de Jackass 3D. C’est une forme de nihilisme alpha et bêta, dénué de revendication politique, où il s’agit d’offrir son corps (et les sévices qu’on prend le risque de lui infliger) en spectacle, dans le but de divertir un public en mal de sensations fortes et qui, ayant abusé des blockbusters hollywoodiens, aurait oublié la fragilité du corps humain... La séquence où Knoxville manque de se faire encorner par un taureau prend un tout autre sens : voilà qui est plus spectaculaire que le plus virtuel des films-catastrophe, et bien moins coûteux ! À travers cette équation économique imparable, Jackass 3D incarne, à sa manière potache, la revanche des "misfits" et autre "freaks" de l’Amérique : c’est le film où les marginaux ont le loisir de s’exprimer en toute liberté. Bien sûr, on peut trouver cela vulgaire, écoeurant, ou juste crétin, mais c’est une manière comme une autre de dire "non" à une culture de masse régulée par les profits.
© LES FICHES DU CINEMA 2010
Réalisateur