Synopsis
En 2008, aux États-Unis, la banque d’affaires Lehman Brothers et AIG, une compagnie d’assurance, font faillite. La bourse s’effondre. L’économie mondiale vacille tel un pantin géant. "Comment en est-on arrivé là ?" C’est la question qu’explore la première partie de Inside Job, présenté Hors Compétition festival de Cannes 2010. Il y aura quatre autres parties, pour comprendre comment le système financier des plus puissants a conduit vers une dépression planétaire, tenant les responsables à l’abri de toute culpabilité. Le documentaire se présente ainsi sous une forme classique, privilégiant le didactisme : plan clairement énoncé, voix off explicative, succession d’interviews. Le réalisateur, Charles Ferguson, ayant été, de longues années durant, professeur en sciences politiques, il aborde avec sérieux et pédagogie les dérives financières. Ce n’est pas le moindre mérite de ce film que de tenter de nous faire comprendre ce que signifient des mots abscons, tels "subprime". Un autre de ses mérites est de conserver un ton sérieux dans sa démonstration, en usant parfois d’humour (la mauvaise foi fait toujours bien rire... jaune), mais sans céder à la forme parfois démagogique d’un Michael Moore, qui a traité du même sujet dans Capitalism : A Love Story (sorti pile un an plus tôt). Partant du cas exemplaire de l’Islande, Inside Job parcourt tout d’abord l’histoire de ces dernières décennies, favorisant à coup de lobbyings la dérégulation du secteur financier. Nous entrons dans l’ère des années 1980, les "années fric", vampirisées par la culture de Wall Street. Les banques sont privatisées. Elles enflent comme des soufflés. Les instances de contrôle, manquant de moyens, soudoyées ou débauchées, sont rapidement écartées de la rou(t)e de la fortune. Cette dérégulation, tardive en Islande, a conduit le pays à la banqueroute que l’on sait. À sa suite, d’autres pays ont tremblé, et, comme de "vulgaires" entreprises, se sont retrouvés au bord du dépôt de bilan. C’est ainsi l’état d’un esprit que dresse ce documentaire. Un esprit de "lonesome cowboys", cette fois protégés, valorisés et encouragés par tout un système, et qui, s’ils sont toujours prêts à mettre en péril leur vie en dégainant leur colt, ne le font plus pour la justice de leur patrie, mais uniquement dans un but d’enrichissement personnel. Les yachts ont remplacé la carotte. C’est en quelque sorte la généralisation du pari imaginé dans le film The Box : appuyez sur le bouton, vous recevrez un million de dollars, mais quelqu’un mourra. Ce pari n’aurait pu se tenir sans l’aide précieuse des politiques. Entamée sous Reagan, la dérégulation est devenue l’American Way of Life sous Bush. Son "Tout le monde devrait pouvoir posséder une jolie maison" prend des accents abjects lorsque l’on voit ce que sont devenus ces jolies maisons et leurs heureux propriétaires, bernés par des taux d’emprunt hautement volatiles. Et lorsque l’on sait que cette mafia organisée régit toujours la politique économique d’Obama, on ne rit plus du tout.
© LES FICHES DU CINEMA 2010
