Synopsis
On croirait à une confession. Le visage dans l’ombre, caché par sa capuche, assis seul face à la caméra devant un mur bariolé, l’insaisissable Banksy s’adresse directement au spectateur. Que va donc dévoiler le maître du graffiti, l’artiste qui a - littéralement - fait entrer le "street art"au MOMA, défrayé la chronique en exposant un éléphant et en peignant le mur de Gaza, celui que les collectionneurs d’art contemporain s’arrachent ? La voix transformée, il explique ce que sera le film : lui qui devait en être le sujet principal a finalement décidé que la vie de son réalisateur, un certain Thierry Guetta, était "bien plus intéressante" que la sienne. D’où ce nouveau détournement. Et à voir le documentaire, on ne peut que lui donner raison. Français expatrié à Los Angeles, Thierry Guetta ouvre une boutique de vêtements vintage qui devient rapidement incontournable chez la clientèle branchée de la ville. Sa spécialité ? Acheter des lots au kilo pour les revendre des centaines de fois plus cher. Son commerce prospère. Lorsqu’il achète une caméra vidéo, celle-ci devient une extension de lui-même. Tout y passe : sa femme, ses enfants, ses clients, les passants, parfois illustres. Guetta accumule des centaines de cassettes. Et se découvre un nouveau sujet de prédilection. Au hasard d’une réunion familiale, il réalise que son cousin est en fait Space Invader. En le suivant dans les rues alors qu’il accroche aux murs ses petits aliens en mosaïques, Guetta découvre le street art. De fil en aiguille, il rencontre, à Los Angeles, Shepard Fairey qu’il commence à suivre partout, lui servant de guet, l’aidant à accrocher ses immenses affiches sur les murs des villes. Bref, le Français devient le Christian Audigier du street art. Il commence à faire partie du décor et parvient à filmer un grand nombre d’artistes de la rue au travail, crapahutant avec eux sur les toits, exalté par les risques encourus. Il ne lui en manque qu’un : Banksy. Lorsqu’il le rencontre, il lui sert la même excuse qu’aux autres : il prépare un documentaire sur le street art, d’où la caméra. Banksy se prête au jeu, se laisse filmer (de dos) et lui révèle son univers. En dix ans, Guetta a accumulé une somme d’images exceptionnelle, pénétré tous les secrets du street art. Mais quand Banksy l’oblige à monter enfin son film, le résultat est catastrophique. L’artiste incite alors Guetta à lâcher sa caméra pour faire un peu d’art de son côté, et s’empare des bandes. Seulement Guetta veut se faire aussi gros que le boeuf, et pour son coup d’essai monte une gigantesque exposition, engageant tout un tas de petites mains pour mettre en forme ses idées rocambolesques. Initialement intitulé "Comment vendre de la m... à des c...", le documentaire raconte cet invraisemblable projet. Souvent drôle, le film est une mine d’images et d’informations sur le milieu du street art, mais aussi un passionnant argumentaire sur les dérives de sa légitimation. Au final, on n’a qu’une envie : faire le mur avec Banksy et sa bande.
© LES FICHES DU CINEMA 2010
Réalisateur