Synopsis
Women Are Heroes est le premier film du photographe JR. Ce jeune artiste est déjà connu pour ses portraits de femmes d’Asie, d’Afrique et d’Amérique du Sud, généralement montés en installations gigantesques sur les murs des bidonvilles visités, des quais de la Seine, ou encore sur les trains bondés d’Inde... L’aspect le plus intéressant du film est assurément le making of de cette longue expérience artistique qui lui a fait traverser de nombreux pays du Tiers-Monde. Visuellement, le film est absolument splendide. JR pose un regard singulier sur l’environnement qu’il photographie, et a réussi à développer un univers personnel, fortement identifiable. Il a acquis, à seulement 25 ans, une impressionnante maîtrise de la composition de l’image, lui conférant un sens immédiatement perceptible. Il utilise la lumière en virtuose et sublime les couleurs, les rendant aussi chatoyantes qu’élégantes. D’une beauté rare, ce film offre un éblouissant spectacle de vie. Artiste d’un talent indéniable, JR apporte, en outre, une grande modernité à son oeuvre, en explorant, à l’instar de Vik Muniz (que l’on a pu découvrir dans le film Waste Land [v.p. 643]), une nouvelle voie en vogue : l’art participatif. Le but de ses installations éphémères, ainsi que de ce film sur son parcours, est, en effet, d’incorporer à son travail les réactions qu’il engendre. JR offre ainsi la parole aux vieilles femmes qui furent ses modèles, ou à des enfants aux commentaires inattendus... Une manière pour lui de remettre en question la définition et la place de l’art dans le monde contemporain. Mais si ce film est un véritable "eye candy" et propose de nouvelles modalités pour l’art, certains éléments de la démarche du jeune réalisateur paraissent assez naïfs. En effet, il dit vouloir prendre ses distances avec le discours des médias traditionnels concernant les régions défavorisées du monde, mais s’en détache-t-il vraiment ? La seule différence tient à la bonne humeur avec laquelle les femmes racontent leur misère à ce sympathique jeune homme occidental venu les interroger. Les montrant en permanence entre rires et larmes, JR donne de ces femmes l’image de bons petits soldats de la souffrance. En forçant le trait sur leurs sourires, il a certainement voulu éviter tout misérabilisme. Pourtant, il ne fait que renforcer le pathos en abordant leur situation sous un angle émotionnel, voire sensationnel. Cette désagréable impression de duperie provient peut-être du regard qu’il pose sur ses sujets, plus condescendant que compréhensif. En outre, le titre du film explicite son objectif : rendre leur dignité aux femmes. Plein de bons sentiments, le jeune réalisateur semble toutefois s’être bien peu interrogé sur cette dignité féminine. Quelle est-elle et par quoi passe-t-elle ? Le photographe apporte la même réponse que ceux contre lesquels il s’insurge : une célébrité éphémère, faire la "Une" (plus sur un journal mais sur un mur)... Bref : la reconnaissance par l’image.
© LES FICHES DU CINEMA 2011
