Synopsis
Avec Les Chemins de la mémoire, José Luis Peñafuerte prend à bras le corps un sujet qui reste toujours sensible et en suspens en Espagne : celui de la Guerre civile et de la dictature franquiste qui lui a succédé, entre 1936 et 1975. L’Espagne, après avoir connu une guerre de quatre ans où chacun avait pour ennemi son propre voisin, a été gouvernée à partir de 1939 par ceux qui avaient détruit la République : les nationalistes, représentés par le général Francisco Franco. La dictature ainsi installée s’est maintenue pendant 36 ans, jusqu’à ce qu’enfin, Franco meurt (dans son lit...). Le documentaire commence ainsi : une archive télévisuelle montre le président du gouvernement de l’époque, annonçant d’un ton grave la mort du Caudillo ("le guide"). Après plus de 35 ans de dictature, le passé a été enterré, avec son horreur, grâce au "Pacte de l’oubli" : c’est alors la période que l’on appelle la Transition espagnole. Ce n’est qu’en 2006, avec la Loi sur la mémoire historique, que le gouvernement va reconnaître les victimes de la Guerre civile et du franquisme. Le documentaire fait alors un saut de 40 ans : on entend une présentatrice de la radio nationale annoncer la promulgation de cette loi. Le saut temporel qu’a fait le réalisateur ne fait qu’appuyer ce constat atterrant de quarante années de silence (politique). Une loi semble alors n’être qu’une goutte d’eau face à cette bien trop longue période d’oubli. Alors que des fosses s’ouvrent chaque jour en Espagne, révélant les restes de milliers de Républicains fusillés (on évalue pour l’instant leur nombre à 60 000), il faut encore faire un travail de restauration de la Mémoire. Faire ressurgir ce qu’une génération a enterré. Et Peñafuerte, avec ce documentaire, participe lui aussi à ce travail, grâce à de nombreux témoignages : exilés républicains, fils ou filles de fusillés, anciens prisonniers politiques. Chaque témoignage est filmé de façon à nous captiver. D’abord, nous voyons les silhouettes de ces hommes et de ces femmes, silencieuses et immobiles, dans des lieux neutres (qui ne le sont, cependant, pas toujours, comme ce bâtiment désaffecté, s’élevant sur l’emplacement d’une ancienne prison franquiste). Ensuite, chacun prend la parole et se confie simplement, avec ses mots propres. Le réalisateur, en suivant les fouilles d’une fosse, capture l’intimité des membres des familles, venus avec l’espoir de retrouver leur père, leur mère, leur oncle, leur tante... Des décennies sont passées, et pourtant l’attente est toujours la même. Face à ces témoignages, penser que le passé n’a pas à ressurgir et qu’il faudrait "tourner la page" devient impensable, surtout pour la future génération espagnole, représentée dans le film par une classe de lycéens écoutant quelques-uns des témoignages. Même s’il se penche sur un débat historique qui concerne spécifiquement les Espagnols, Les Chemins de la mémoire réussit à nous emporter dans une réflexion qui va bien au-delà, et qui concerne chacun de nous.
© LES FICHES DU CINEMA 2011
Réalisateur