Synopsis
Le "Portrait de l’artiste" au cinéma est un genre actuellement très en vogue. L’énigmatique Banksy a livré en 2010 une brève histoire du Street art et un pied de nez au marché de l’art avec son Faites le mur !, puis le photographe JR a donné une existence cinématographique à ses héroïnes de papier dans Women are Heroes [v.p. 652]. La réalisatrice anglaise Lucy Walker choisit, elle, de suivre pendant trois ans l’artiste brésilien Vik Muniz, dans son projet de photographier les "catadores" : les ramasseurs de déchets de Jardim Grachacho, une immense décharge de la banlieue de Rio de Janeiro. Il suffit de quelques longs plans dans les allées de musées réputés pour comprendre la place prise par Vik Muniz sur la scène de l’art contemporain et reconnaître ses séries emblématiques, réalisées en sucre, en chocolat ou encore en diamants. Il faudra quelques extraits d’une interview pour découvrir le destin exceptionnel de Muniz : une vie dans une banlieue ouvrière de São Paulo qui bascule le jour où il s’interpose dans une bagarre. Blessé par balles, le jeune homme touche assez d’argent de l’assurance pour s’exiler aux États-Unis et devenir artiste. Ce portrait se dessine de façon très concrète, au fil des différentes étapes de son travail. Les caméras nous donnent à partager tous les moments clés d’un projet artistique et humain ambitieux. Les doutes et interrogations nourrissent les préparatifs dans son studio de Brooklyn. "Tu vas vivre deux ans dans une décharge ?" s’inquiète sa femme. S’ensuivent le choc de la découverte de la décharge et les premières rencontres avec les catadores, les ramasseurs de déchets qui gagnent 20 à 25 dollars par jour pour extraire des tonnes d’ordures des matières recyclables. Tiao, patron de l’association des ramasseurs de déchets, la jeune Suelem, la chef cuisinière Irmã, Valter le poète, Magna, Zumbi... tous ces personnages hors du commun passent devant l’objectif de Vik Munik, dans la décharge transformée en studio à ciel ouvert. Mais c’est dans un vrai studio que se poursuit le travail sur sa nouvelle série. Tous les catadores participent au processus artistique : reconstituer leurs portraits par l’assemblage de milliers de déchets à une échelle monumentale. L’oeuvre se fabrique sous nos yeux et ceux des catadores. Enfin, photographiée, elle prend sa place dans les salles d’enchères et dans les musées. Tous les catadores se retrouvent, en vrai et en "portrait" au Musée d’art moderne de Rio à l’occasion d’une rétrospective consacrée à Muniz. Cette expérience les a tous transformés. Certains ont changé de métier, d’autres de maris ! Mais la réalisatrice laisse le soin au spectateur de tirer ses propres conclusions et de réfléchir sur la nature de l’art et sur le pouvoir de transformer ainsi des matériaux et des vies. Il s’agit donc là d’une simple captation d’un "work in progress" : passionnant pour les amateurs d’art, sans doute un peu austère pour les autres.
© LES FICHES DU CINEMA 2011
