Synopsis
Nouveau documentaire de Jacques Richard (après Le Fantôme d’Henri Langlois, 2004), D/s se compose de trois parties. La première, intitulée Le Toutou et le caniche, suit un trajet en voiture sur l’autoroute du Nord. Maîtresse Amazone (au volant) s’explique longuement et décrit ses pratiques. À l’arrière sont installés Maîtresse Léïa et son soumis, Vénus, par ailleurs travesti. La deuxième partie, Les Hommes à la baguette, est consacrée à une soirée en Belgique, dans une ancienne boucherie transformée en "donjon". Dans une atmosphère bon enfant (buffet campagnard et rigolade), on assiste à des pratiques qui vont du "soft" (fessées, martinet, griffures, bondage) au plus "hard" (momification, cire brûlante, cigarette, dilatation anale). Il y a même un "esclave" enchaîné dans un cachot. Certains des participants confient leurs fantasmes à la caméra. La troisième et dernière partie, Des relations vanille à la D/s, est également la plus courte (une dizaine de minutes). À l’heure du petit déjeuner, ces dames conversent et théorisent. Les lieux communs se succèdent : mise en garde contre le hard excessif, respect des limites, constats éculés (c’est la "domina" qui s’adapte au soumis et non l’inverse, etc.). J. Richard a toujours porté sur la sexualité un regard original. On n’a pas oublié la crucifixion d’Isabelle Pascaud sur l’affiche de Ave Maria, ni l’itinéraire de Valérie Steffen en peep-showgirl dans Cent francs l’amour. Il passe ici au document : son accroche à la Godard annonce "Une comédie sadomasochiste en 3 (passages à) l’acte". C’est du "cinéma du réel", comme on dit, une enquête sur un milieu précis, le monde très particulier de la D/s, et dans une optique minoritaire : celle où les femmes sont dominatrices et les hommes soumis. En prologue, on a droit aux précisions de vocabulaire, évitant tout malentendu. Le profane y apprend le sens de BDSM, bondage, suspension, uro et scato, relation vanille... Un avertissement ajoute que "Le réalisme de certaines scènes peut déranger les âmes romantiques". Cela dit, si on attend un spectacle sulfureux, animé par des créatures sexy en cuir et talons aiguilles, on sera vite détrompé. À l’exception de Léïa (bombardée coréalisatrice), ces "Maîtresses" ont dépassé la soixantaine. Aucun glamour chez ces mémés qui donnent quelques fessées entre leurs oeufs mimosas et leur tranche de jambon et réalisent du bondage avec la même minutie que si elles tricotaient. Le propos est clair : montrer la "démocratisation" de pratiques naguère considérées comme perverses. Les participants sont d’un milieu populaire. D’où une paradoxale pudeur (la nudité des "victimes" est rarement intégrale), voire un certain puritanisme (le sexe est exclu !). Il s’agit de montrer, non de juger. Notons au passage de beaux moments de cinéma, soutenus par une bande-son expressive (la musique est remarquable). Parmi eux, et ce n’est pas pour rien le plan final, un baiser de Léïa à Vénus suspendu. À cet instant, il se passe quelque chose.
© LES FICHES DU CINEMA 2011
