Synopsis
Pour ce documentaire, Jérémy Forni, la trentaine, fils de l’ancien président socialiste de l’Assemblée nationale Raymond Forni, choisit un cadre très symbolique (une usine désaffectée de la banlieue parisienne) et fait défiler une ribambelle d’intellectuels, de politiques et de syndicalistes devant sa caméra, afin de les interroger sur leur vision de la gauche. Ce qui frappe, d’abord, c’est sans doute l’aridité de la forme : plan fixe sur les intervenants, couleurs grises, musique anxiogène, découpage très "universitaire" en chapitres. Se revendiquant de la "génération Mitterrand", une génération "qui se cherche toute entière", Forni convoque la génération de ses parents et de ses grands-parents pour faire le bilan de leur héritage. Mais au lieu d’engager un véritable débat, il les laisse s’exprimer librement, ce qui donne lieu à des interventions souvent intéressantes mais un peu "fleuve" et figées. Le généticien Albert Jacquard, l’éditeur Éric Hazan, le journaliste Edwy Plenel, le philosophe Bernard Stiegler, le sociologue Robert Castel, le syndicaliste Christian Corouge, l’ancien Premier ministre Lionel Jospin ou encore l’essayiste Susan George (seule femme du documentaire) se succèdent pour retracer les phases de l’évolution de la gauche (chute du mur de Berlin, disparition du bloc soviétique, massacre de la place Tian’anmen...) et parler de la perte de crédibilité du socialisme, des ravages de la "pensée unique" ou de la complicité de la gauche avec le système néolibéral. Tous sont d’accord pour dire que la gauche européenne est malade : plus personne n’est prêt, ou n’a le courage, de renverser l’ordre actuel, et le capitalisme est tellement ancré dans les sociétés et les mentalités que l’homme ne se bat plus pour sortir de l’usine mais pour y rester. S’ils sont très précis sur les causes de cet échec, ils sont plus évasifs quant aux éventuels remèdes. On passe rapidement sur le mouvement altermondialiste, l’exemple que pourraient constituer certains aspects de la gauche sud-américaine et la nécessaire désacralisation de la notion de propriété au profit d’une valorisation de celle du "bien commun de l’humanité". Le dernier chapitre du film, "Utopies", est d’ailleurs assez clair. Toutes ces têtes grisonnantes disent bien que c’est désormais à la jeunesse que revient la lourde tâche de réinventer la gauche, de revenir aux fondamentaux et de retrouver l’espérance "démocratique, sociale et internationale". Le film s’arrête sur cette préconisation et on regrette que Forni ne prenne pas alors la parole en interrogeant sa propre génération sur de possibles solutions et perspectives. Peut-être aurait-il ainsi réussi à insuffler un ton plus personnel et davantage porteur d’espoir. En gardant le silence et en s’effaçant devant ses aînés, il semble dire que la jeunesse n’est pas prête à tenir son rôle. Il n’invite pas à agir et réfléchir, mais bien plutôt à rester assis, déprimé, sur les chaises poussiéreuses qu’il a disposées dans cette usine désertée.
© LES FICHES DU CINEMA 2011
